Sur les bords du Jourdain

   Les considérations autour de la naissance illégitime de Jésus nous ont permis d’induire la condition de ses origines, l’affirmation selon laquelle il se serait rendu de Nazareth au Jourdain, auprès de Jean, nous donne la première information sur un événement de sa vie avant sa mission évangélique. C’est le seul acte biographique qui nous permette de le suivre dans cette marche qui le conduit du Jourdain en Galilée, et de la Galilée à Jérusalem, c’est pourquoi il faut apporter à cette information une attention toute spéciale.

   Deux questions se posent sur cette information, l’une concernant sa valeur même, l’autre les motivations de Jésus.
   Il faut d’abord savoir si ce voyage est une fiction littéraire servant de support à des thèses christologiques, ou s’il s’agit d’un fait réel et historique. La question est très importante car, si c’est une fiction, toute tentative de découvrir un épisode de la vie de Jésus par-delà le texte est condamnée d’avance. Les analyses développées dans les deux premières parties de ce livre donnent, il est vrai, une réponse de principe, dans la mesure où elles ont abouti à découvrir un document qui suppose l’historicité du fait, mais un doute subsiste car ce document peut être basé sur des opinions sur la vie de l’accusé, et non sur des faits réels.
   En deuxième lieu, la question se pose de savoir quelle était la motivation de Jésus à se rendre auprès de Jean. Certes, l’activité de Jésus étant centrée sur le baptême, il semble logique d’affirmer qu’il s’y était rendu, comme les autres, pour être baptisé ; c’est la raison que donnent les évangiles synoptiques. Mais si on compare leur témoignage avec celui que donne l’anti-texte, on constate qu’il est douteux. En effet, le document juif ne fait aucune mention explicite du baptême, de plus il relate des faits qui sont inexplicables si on suppose que Jésus ne s’était rendu au Jourdain que pour se faire baptiser. Dès lors il faut soumettre ce témoignage à une critique dialectique, en analysant les deux récits en ce qu’ils se contredisent et non en ce qu’ils disent.