Sur les bords du Jourdain

   Par sa prétention prophétique, par l’outrance de son discours contestataire, Jésus ne pouvait que susciter les réactions les plus violentes chez ses auditeurs. Les évangiles témoignent que plus tard, dans des circonstances analogues, Jésus déclencha dans la foule une telle fureur qu’on chercha à le tuer (Lc 4:29 ; Jn 8:59).
   Or le document juif ne fait pas allusion à des réactions populaires, il relate seulement la vision de Jean sur la malédiction de Jésus par l’ange de Dieu. Mais le silence du texte n’est qu’apparent car, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, la théophanie de malédiction n’est qu’une interprétation de ce qui se passa effectivement à la suite de son discours. Dans la mesure où le modèle théophanique ne fait que reproduire le schéma d’un jugement humain, il est légitime d’en déduire que ce qui se passa à la fin du discours de Jésus fut un procès populaire à son encontre. La vision théophanique aurait donc eu pour but d’exprimer le jugement du peuple contre Jésus comme un jugement de Dieu lui-même.

   La correspondance entre le modèle et le fait nous permet de diviser l’espace de notre recherche en déterminant les actes du procès à partir des moments de la vision. Ainsi la voix venant du ciel renvoie à l’acte d’accusation, tandis que l’expulsion dans le désert se rapporte à l’acte de condamnation. Quant au rôle prophétique joué par le Baptiste, il peut se comprendre comme l’intervention d’une instance ultime, à laquelle revenait l’arbitrage, c’est-à-dire la confirmation ou la révocation de la sentence.

   Ma recherche s’organisera donc selon quatre pistes :
   - le procès ;
   - l’acte d’accusation ;
   - la sentence d’excommunication ;
   - l’arbitrage du Baptiste.