Sur les bords du Jourdain

La nature du procès

   S’agit-il d’un procès populaire, d’un procès intenté par les responsables du sanhédrin, ou encore d’un procès interne à la congrégation des baptistes ?
   Le fait que Jésus ait prononcé son discours lors d’un rassemblement populaire et ait mis en cause non seulement des personnes mais les motivations profondes qui poussaient les gens à venir chez Jean nous incline à penser qu’il ne pouvait être jugé que par le peuple. Comment celui-ci aurait-il pu rester indifférent, alors que les accusations portées par Jésus contredisaient les liens unissant Israël à Abraham et l’espérance de salut représentée par le baptême de Jean ?
   Jésus s’était aussi lancé dans une diatribe sanglante contre des pharisiens et des sadducéens qui, comme je l’ai déjà dit, faisaient partie des sectes responsables de la tradition et du sacerdoce. Il est logique de croire que ces hommes, attaqués dans leur dignité et leur prestige personnels et aussi dans leurs convictions les plus profondes, ne sont pas restés muets et inactifs, mais qu’ils ont mis en œuvre toute leur autorité pour se porter en accusateurs de Jésus. Cette opinion est confortée par le quatrième évangile, selon lequel les juifs de Jérusalem – donc le sanhédrin – envoyèrent des sacrificateurs et des lévites pour enquêter sur Jean (Jn 1:19). Parmi les juifs venus chez Jean, il y en avait donc qui étaient mandatés par les autorités responsables, et qui trouvèrent dans le comportement de Jésus – sinon directement dans celui du Baptiste – l’occasion propice pour exercer leur pouvoir.
   Enfin, ce procès ne pouvait pas demeurer étranger aux responsables de la congrégation des baptistes, donc à Jean lui-même. En effet, quoique le rassemblement fut populaire, il n’en restait pas moins qu’il avait pour motivation le baptême et qu’il était sous le prestige et l’autorité de Jean. Jésus lui-même faisait partie des disciples du Baptiste, il était donc soumis aux règles de la communauté sur la base des engagements pris lors de son admission : on sait que dans toute communauté religieuse la soumission des membres à l’autorité est sacrée et que toute transgression est un péché appelant une peine.

   On doit donc conclure que ce jugement était à la fois populaire et communautaire et, en raison de son contexte, restait sous la vigilance et le contrôle des autorités du sanhédrin (1) .

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(1) Les évangiles font allusion non seulement au jugement du sanhédrin (Mt 5:22 ; 26:57-68 ; Mc 14:53-56) et à celui de la synagogue (Mt 10:17 ; 23:34 ; Lc 21:12), mais aussi à celui du peuple (Mt 15:11-13 ; 27:25 ; Lc 23:8 ; Jn 18:40).