Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
- Introduction
- Jean Baptiste et Élie
- Jésus et Malachie
- Jésus, le messager
- Jésus et Élie
- Opinions contemporaines
- Résumé
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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J’ai essayé dans ce chapitre d’esquisser un profil de Jésus. Contrairement à ce que les sources principales du discours pouvaient laisser penser, Jésus ne s’est pas fait à l’image d’Osée mais à celle d’Élie. Nous en trouvons l’indice le plus important dans le fait que Matthieu a identifié Jean au personnage d’Élie, enlevant ainsi au lecteur tout soupçon quant au rôle effectif joué par Jésus.
Avant Matthieu, comme on peut le constater dans le texte parallèle de Marc, l’Église avait déjà cherché à atteindre ce but en faisant nier par Jésus lui-même la tradition concernant le retour d’Élie avant la venue du Christ. En effet, si Jésus lui-même ne croyait pas à ce retour, il ne pouvait pas, a fortiori, se présenter lui-même comme la personnification de l’ancien prophète.
Jésus fut amené à chercher en Élie son propre modèle à l’issue des lectures bibliques qu’il fit pour résoudre sa crise. Ce fut Malachie qui l’aida à dépasser l’antinomie du message d’Osée, lui permettant de comprendre que Dieu ne restait plus dans le désert à attendre Israël, mais qu’il venait pour la juger, puisqu’elle n’était pas allée à sa rencontre.
Dans la mesure où, selon le dernier oracle de Malachie, Élie devait venir préparer ce retour de Dieu, Jésus y trouva l’occasion d’un retour à l’Élie historique, en le prenant comme prototype de sa vision et de son activité prophétiques.
Si l’on jette un regard sur Jésus tel qu’il se manifeste dans les passages les plus censurés des évangiles, sa similitude avec Élie apparaît comme surprenante. Bâtard comme lui, il en a hérité l’intolérance et la violence, de même que l’attrait de la solitude et du désert. Ce qu’Élie fut pour la Seigneurie de Dieu, Jésus l’a été pour sa Paternité. Comme Élie, il accompagnait sa parole de guérisons et de miracles. Le symbole par lequel l’Ecclésiastique caractérise la personne d’Élie est susceptible d’exprimer tout autant celle de Jésus : ils furent tous deux des torches brûlantes : de feu fut l’Esprit dont Élie avait été traversé, de feu le baptême dont Jésus voulait être baptisé.
Il est à noter que Jésus prit pour idéal l’Élie historique, au point de marquer une rupture avec l’Élie eschatologique de Malachie. En effet, alors que selon ce prophète Élie devait revenir pour ramener les cœurs des enfants vers leurs pères et ceux des pères vers leurs enfants, Jésus fut plutôt un prophète de malheur que de bonheur, prêchant la guerre au lieu de la paix, apportant la division là où on attendait la réconciliation.
Cette affinité entre les deux prophètes ne resta pas ignorée du peuple, qui sut reconnaître en Jésus les traits de l’ancien prophète de Tischbé. Les paroles que Marc place sur les lèvres de Jésus mourant : « Éloï, Éloï, lamma sabacthani » remplacent peut-être une plainte lancée par Jésus à Élie : au peuple ne put échapper le sens profond de ce cri, qui manifestait tragiquement le dernier éclat d’une parole de feu.
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