Sur les bords du Jourdain

   Que la personnalité prophétique de Jésus ait été rapprochée de celle d’Élie ressort donc des évangiles eux-mêmes (l’information est d’autant plus authentique qu’elle a été soumise à la censure). Il nous reste à rechercher si Jésus lui-même s’est considéré comme tel.
   Un problème se pose à ce sujet : comment se fait-il que Jésus ait pris Élie pour modèle, alors qu’il s’était d’abord situé dans le sillage d’Ézéchiel, puis dans celui d’Osée ? Pourquoi a-t-il puisé son élan dans le prophétisme originaire et archaïque, alors qu’il avait trouvé sa thématique dans le prophétisme littéraire et théologique ? Que pouvait lui apporter Élie après Osée ? Quelle fut la médiation qui lui permit d’effectuer cette rencontre sans rompre avec sa démarche prophétique ?

   L’analyse que je viens de mener sur les passages concernant l’assimilation de Jean-Baptiste à Élie montre qu’il y avait deux Élie, l’un historique, l’autre eschatologique, ce dernier étant attendu comme prophète de la réconciliation finale. Or le texte biblique qui parle de cet Élie eschatologique est Malachie (Ml 4:5 ou 3:23). Pour que Jésus ait pu prendre Élie comme modèle, il suffit donc de supposer d’une part qu’il a eu une rencontre directe et décisive avec le message de Malachie, d’autre part qu’il avait inscrit son propre message dans le cadre de l’accomplissement final du retour d’Élie.
   Dès lors il reste à rechercher le champ de possibilité de cette rencontre, en tenant compte de ce que Jésus était concerné par la perspective d’Osée.