Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
- Introduction
- Analyse littéraire
- Analyse thématique
- Densité diachronique
- Coupure idéologique
- Résumé
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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Dans ce chapitre ; j’ai jeté sur le discours de Jésus quatre regards critiques : littéraire, thématique, diachronique et idéologique. Né d’une situation de conflit et de rupture, ayant une matière de l’ordre de la foi, ce discours est essentiellement dialectique, visant moins la démonstration que la persuasion, et répond dans sa forme à l’idéologie et à la psychologie des divers interlocuteurs. Ceux-ci sont des pharisiens et des sadducéens, le peuple des pèlerins repentants et les baptistes.
Connaissant le fondement idéologique de l’opposition de chacun de ces groupes, Jésus articule son discours de telle sorte qu’il devienne une invective contre les pharisiens, une menace à l’encontre du peuple, une dispute avec les baptistes. C’est seulement après ce heurt polémique que Jésus exprime l’idée centrale de son message – le jugement de Dieu – par la métaphore, comme une vision présentée sous la forme d’une déclaration de foi qui ne souffre aucune contestation. La suite de ces quatre formes – invective, menace, dispute et déclaration – permet d’inscrire le discours dans le genre littéraire des apostrophes prophétiques de jugement.
À ces formes de discours correspondent des contenus essentiellement dialectiques, consistant en thèses susceptibles de défendre l’annonce du jugement de Dieu contre les dénégations de ces trois groupes.
Dans le premier groupe, les pharisiens s’opposaient à l’idée d’un jugement final de Dieu sur le peuple, à cause des promesses faites à Abraham ; les sadducéens, eux, le niaient en se fondant sur le caractère expiatoire du sacrifice. Jésus répond en faisant passer la filiation d’Abraham de la chair à l’esprit, et en en fondant la justification non plus sur les œuvres de la Loi mais sur celles de la justice.
Quant au peuple, tout en lui présentant le jugement de Dieu comme une cognée déjà mise à la racine des arbres, Jésus l’exhorte à produire des fruits dignes de repentance, c’est-à-dire des actes de justice au lieu d’œuvres rituelles compensatoires.
Enfin l’objet de sa dispute avec Jean est précisément la valeur purificatrice du baptême qui, à ses yeux, n’est qu’une ablution alors que les hommes ont besoin d’être purifiés par le feu.
Malgré leur originalité, ces thèses demeurent bibliques dans leur fond. En regardant leurs références bibliques, on constate que Jésus opère un choix, préférant le récit de la Genèse à celui des patriarches, les prophètes au Deutéronome et, parmi les prophètes, Osée, Malachie et Zacharie aux autres. Ce choix est une remise en question radicale du judaïsme à travers ses trois principes de base : la filiation d’Abraham selon la chair, la loi mosaïque, et la visée politico-religieuse de la grandeur finale du peuple juif par la soumission des autres peuples à son hégémonie.
Jésus prend pour point de départ de son interprétation de la Bible une autre image de l’homme et de Dieu : un Dieu qui devient père en raison de son pouvoir créateur et un homme qui devient fils de Dieu par la pratique de la justice, par-delà la génération de la chair. Le discours de Jésus est ainsi créateur d’une nouvelle culture.
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