Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
- Introduction
- Le texte de Jean
- Le baptême par Jésus
- La plainte des disciples
- La réponse de Jean
- Les motivations de Jésus
- Résumé
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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L’ensemble de la réponse de Jean est une plaidoirie, moins en faveur de Jésus que du Christ de la foi. Néanmoins une de ses affirmations est susceptible d’être rapportée au contexte réel, celle par laquelle il commence sa réponse, axiome à la fois théologique et pratique dont l’évidence et l’universalité sont soulignées par l’emploi du verbe au présent : « un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel » (Jn 3:27). Cherchons à en cerner le sens.
Jean répond à ses disciples par un dicton. Mais de quoi, précisément, ceux-ci se plaignaient-ils ? De ce que Jésus baptisait, autrement dit exerçait un ministère qui était à Jean et dont il n’avait pas reçu le charisme. Jean, au contraire, aurait voulu les persuader que, si Jésus baptisait, c’est qu’il en avait reçu mission d’en haut.
Mais cet axiome ne pouvait pas les convaincre, car il était hors de propos : « un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel », c’est faux, auraient pu répondre les disciples, puisqu’il y a bien des faux-prophètes, des magiciens, des usurpateurs qui exercent des charges sans en avoir reçu l’autorité du ciel. Jésus pouvait justement être un de ces hommes, lui qui exerçait une fonction prophétique sans mandat.
Le dicton ne répondant pas à la fonction qu’il devrait avoir dans le discours, on doit penser qu’il s’agit d’un élément d’information dont l’auteur de l’évangile a détourné le sens, moins par des retouches que par son insertion dans le nouveau discours, d’où le surgissement de l’aporie.
L’aporie se dissipe si on suppose que l’axiome a été adressé à Jésus lui-même et non aux disciples de Jean. Dans ce cas, Jean aurait pris au sérieux la plainte de ses disciples, il aurait fait venir Jésus auprès de lui pour qu’il donne les raisons de son acte.
Pour bien comprendre les paroles qu’il lui adresse, il faut rappeler que le verbe employé « lambano » ne signifie pas seulement « recevoir », mais aussi « prendre ». C’est dans ce second sens qu’il doit être lu : « un homme ne peut prendre que ce qui lui a été donné ». L’axiome devient ainsi clair et signifiant, il n’est plus, comme dans le premier cas, apophantique mais déontologique. C’est un impératif catégorique du code éthique religieux, qui défend à tout homme d’exercer un ministère s’il n’en a pas reçu l’autorisation d’en haut(1). Or Jésus, en baptisant, s’était emparé d’un ministère dont il n’avait reçu ni le charisme de la part de Dieu, ni l’autorisation de la part de son prophète. Aux yeux de la communauté il était donc coupable.
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(1) Selon la Bible, toute fonction légitime dans la communauté venait de Dieu. On ne pouvait l’exercer qu’à la suite d’une mission ou d’une consécration qui en fondait la légitimité. Les rois étaient des hommes consacrés (Saül : 1 S 10:1 ; David : 1 S 16:13 ; Salomon : 1 R 1:34-39). Les prophètes étaient des envoyés de Dieu (Is 6:7-9 ; Jr 1:5 ; Éz 2:1). Sans cet envoi, ceux qui prophétisaient étaient considéré comme des menteurs, des faux prophètes.
Selon Paul, toute autorité, même politique, vient de Dieu (Rm 13:4), de même que tout ministère de l’Église ( 1 Co 13).
Il n’est donc pas étonnant que l’on ait demandé à Jésus le signe de son autorité (Lc 20:2), de même qu’on l’avait demandé à Jean (Jn 1:19-24). 
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