ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




La pratique du baptême par Jésus :

les motivations du geste de Jésus,
sa faute et sa peine



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle

La pratique du baptême
- Introduction
- Le texte de Jean
- Le baptême par Jésus
- La plainte des disciples
- La réponse de Jean
- Les motivations de Jésus
- Résumé

Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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   Le geste de Jésus est compréhensible si on considère sa situation au sein de la communauté des baptistes. Poussé par une crise morale et religieuse qui avait son fondement dans sa condition d’homme bâtard, Jésus s’était rendu auprès de Jean. Considéré comme un mineur, il avait cherché un lieu humain où il pourrait vivre sans être conditionné par les tabous inhérents au statut de bâtard. Il avait espéré trouver dans cette communauté de fils de Dieu la fraternité que la société et la famille lui avaient refusée.
   Mais il était impossible à un bâtard d’être reçu sans restriction, même dans une communauté religieuse. Ion, expression mythique du bâtard, n’était reçu au temple d’Apollon que pour exercer un service auprès des visiteurs, pas pour une fonction sacerdotale. Dans la congrégation des baptistes, c’est le baptême qui tenait la place de cette fonction : le maître était Jean, et les disciples ne baptisaient que sous son mandat et son nom.
   Il est donc légitime de penser que Jésus n’avait été accepté que pour servir les pèlerins, et pas pour les baptiser. Ne pouvant exercer ce ministère, il ne pouvait pas non plus jouir des mêmes droits que les autres disciples. Il devait vivre comme un mineur car la communauté des enfants de Dieu n’échappait pas au statut de la société des fils de l’homme. D’où un malaise chez Jésus, et son doute quant à l’opportunité de faire partie d’une communauté religieuse qui ne changeait pas les rapports entre les hommes.

   La décision d’administrer lui aussi le baptême se présente comme un acte de contestation et de refus : aux yeux de Jésus, une communauté d’hommes ne pouvait prétendre être une famille de frères que si le bâtard y jouissait des mêmes droits que les autres membres. La règle de parfaite égalité, excluant toute hiérarchie, qu’il établit ensuite dans la communauté de ses disciples, relevait sans doute de cette première expérience. « Si quelqu’un est tenté d’être le premier, qu’il devienne serviteur des autres » (Mc 10:43) : il n’y a de fonction que de service.
   Matériellement, l’action de Jésus n’était pas très grave puisque, en principe, un disciple pouvait avoir l’autorisation de baptiser, Jésus n’aurait fait que brûler les étapes. Elle le devenait cependant à cause du contexte : Jésus n’en avait pas reçu mandat, et de plus il en était empêché par une souillure de naissance. Même s’il n’avait pas voulu remettre en question l’autorité de Jean et son prophétisme, en agissant sans son consentement il se condamnait à dispenser un baptême qui n’était pas celui de Jean mais le sien propre. Sans le vouloir, peut-être, il se posait en antagoniste du Baptiste.

   Les paroles que Jean lui a adressées montent qu’il a été considéré comme coupable et qu’il ne pouvait échapper à une punition, mais laquelle ? Si on considère que cette peine, c’est son expulsion dans le désert, on peut affirmer qu’il fut puni par l’excommunication, radié, au moins pour un temps, de la vie communautaire.
   Mais puisque l’anti-texte nous oblige à penser que cette expulsion, à l’image de celle de Nabuchodonosor, fut moins causée par les actes de Jésus que par ses paroles présomptueuses et blasphématoires, il est plus probable que Jean se soit borné à lui interdire d’administrer le baptême et à lui imposer une période de retraite pour le mettre à l’épreuve. C’est pendant cette épreuve que Jésus aurait prononcé les paroles qui auraient entraîné son excommunication.

   Quoi qu’il en soit, il faut conclure que cette tentative de Jésus marque le début de la rupture entre Jean et lui(1). Le récit du quatrième évangile implique cette rupture, puisqu’il cherche précisément à réconcilier les deux hommes. Il ne se contente pas, en effet, de transcrire le nom du lieu où ces deux prophètes baptisaient, mais il le détermine par le symbole « salim », mot qui signifie « paix ». Paix par-delà la lutte, qui impliquait une transgression de la part de Jésus, une accusation par les disciples de Jean, une réprimande ; paix au niveau de la signification messianique d’actes qui, dans leur sens historique, recouvraient une guerre.

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(1) Avec une grande intuition, M. Goguel s’est aperçu de cette rupture, bien que la méthode strictement exégétique qu’il emploi l’ait empêché d’en cerner les causes profondes : « Ce que nous savons directement de cette séparation, il faudrait peut-être dire de cette rupture, se réduit à peu de choses. À la suite d’un conflit sur la purification, c’est-à-dire très certainement sur le baptême… Jésus, qui avait jusque-là prêché et baptisé à côté de Jean, s’éloigne et, désormais, ne baptisera plus » (M. Goguel, Jean-Baptiste, Op. cit. p. 257).   Retour au texte




1984




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u0550000 : 09/03/2018