Sur les bords du Jourdain

   J’ai analysé dans ce chapitre le passage de Jean (Jn 3:22-29) concernant une plainte portée par les disciples de Jean contre Jésus, parce qu’il administrait lui aussi le baptême non loin, semble-t-il, du lieu où Jean baptisait.

   Cette activité de Jésus est omise par les synoptiques, qui centrent leur récit sur la réception du baptême par Jésus, réception à laquelle l’auteur du quatrième évangile ne fait même pas allusion. Cette alternance d’affirmations et d’omissions dans les évangiles s’explique par le fait que la réception comme l’administration du baptême sont des informations que les évangélistes soumettent à une censure, car elles sont en contradiction avec la personnalité christique de Jésus. La réception du baptême implique en effet que Jésus ait été pécheur, et son administration qu’il ait été disciple de Jean.

   Quant à la plainte, elle est justifiée par le fait qu’en donnant le baptême, Jésus transgressait aussi bien la discipline interne de la congrégation des baptistes que les limites que lui imposait sa condition d’homme bâtard. Les termes de la réponse de Jean, eux, deviennent cohérents si on les comprend comme adressés non à ses disciples qui portaient plainte, mais à Jésus lui-même qui était accusé. Jean aurait alors reproché à Jésus de s’être approprié un ministère dont il n’avait pas reçu le charisme. Jugé coupable, Jésus fut donc réprimandé et puni par la suspension de toute activité de service auprès des pèlerins jusqu’à ce qu’il donne des signes d’humilité et de soumission.