ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




La pratique du baptême par Jésus :

le baptême par Jésus



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle

La pratique du baptême
- Introduction
- Le texte de Jean
- Le baptême par Jésus
  . Divergences des textes
  . Jésus baptise
- La plainte des disciples
- La réponse de Jean
- Les motivations de Jésus
- Résumé

Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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Jésus baptise


   Nous pouvons maintenant étudier le texte de l’évangile de Jean sur l’administration du baptême par Jésus. Que Jésus ait donné le baptême ou qu’il l’ait reçu était tout aussi scandaleux pour l’Église.
   Que pouvait être, en effet, cette immersion donnée par Jésus ? Était-ce le baptême d’Esprit propre au Christ, ou bien celui d’eau administré par Jean ? Mais le premier ne pouvait être donné qu’après la mort et la résurrection de Jésus, dont il était le mystère ; comment Jésus aurait-il pu l’administrer, alors que les événements de salut qui « le constituaient Christ » ne s’étaient pas encore accomplis ? Quant au second baptême, il aurait placé Jésus au rang des disciples de Jean, ce que l’Église, qui considérait Jésus comme maître et Seigneur, ne pouvait accepter.
   Cette première remarque suffit pour nous autoriser à croire que l’information concernant ce baptême ne pouvait pas venir de l’Église. Elle apparut tardivement dans son discours théologique parce qu’elle était devenue si notoire qu’il n’était plus possible de l’ignorer. Évidemment l’Église, en l’assumant, a dû la soumettre à une censure pour l’adapter aux exigences de sa christologie. Si cette hypothèse est vraie, le texte du quatrième évangile, qui relate cette information, doit nous permettre de cerner le mode de la censure et, par-là, son véritable contexte.

   Selon le quatrième évangile, Jésus serait retourné en Galilée tout de suite après sa rencontre avec le Baptiste et ses premiers disciples. Là, il aurait manifesté son messianisme lors d’une fête de noces, à Cana. De ce lieu, il se serait à nouveau rendu en Judée, dans une localité sur le bord du Jourdain, pour entreprendre avec ses disciples son ministère baptismal, cependant que Jean baptisait lui aussi à Enon. Ainsi situé, le magistère baptismal semble s’inscrire dans le cadre de la mission messianique de Jésus, d’ailleurs le texte précise bien qu’il faisait des disciples.

   En dépit de l’apparente clarté de l’exposé, ce ministère de Jésus est très équivoque, tant en ce qui concerne le baptême lui-même que les circonstances de temps et de lieu.
   Le baptême est ambigu, puisqu’il est présenté comme un ministère messianique de Jésus, alors qu’il ne se distingue guère de celui de Jean. La preuve en est que les disciples de celui-ci portèrent plainte contre Jésus, parce qu’ils estimèrent qu’il exerçait une fonction qui ne lui revenait pas mais au seul Jean. Dans le cas où on ne tiendrait pas compte de cette ambiguïté et où on affirmerait que le caractère messianique de ce baptême ressort avec évidence du contexte, le problème se pose de savoir pourquoi Jésus n’a plus jamais baptisé. Aurait-il arrêté ce ministère, si celui-ci faisait vraiment partie de sa mission messianique ? Pourquoi, dans ce même évangile, ne trouve-t-on plus aucune allusion à ce ministère ?
   En ce qui concerne le temps, Jésus aurait pratiqué ce rite après son retour en Galilée et la rencontre avec ses disciples. Mais une précision ultérieure, selon laquelle Jean n’était pas encore en prison, jette le doute sur cette affirmation : selon la chronologie de Marc, Jésus ne se rendit en Galilée qu’après l’emprisonnement du Baptiste.
   Quant au lieu, enfin, l’ambiguïté est frappante, puisque le texte indique d’une part que Jean ne baptisait plus à Béthanie, où il avait rencontré Jésus, mais à Enon, et que d’autre part il laisse le lieu de baptême de Jésus comme en suspens, l’expression « au-delà du Jourdain » (Jn 3:26) mise dans la bouche des disciples de Jean permettant de le situer soit à Béthanie, soit à Enon.

   Ces trois ambiguïtés sont suffisamment importantes pour nous obliger à penser que l’auteur du quatrième évangile a dû incorporer dans son récit une information qui, à son état brut, répugnait à sa perspective christologique, l’obligeant à une censure. Cette répugnance proviendrait du fait que Jésus aurait bien pratiqué le rite du baptême, mais aussi son activité missionnaire, lorsqu’il était encore chez Jean en tant qu’un de ses disciples. Avant de mettre en évidence les artifices de cette censure, cherchons à cerner le fait en le situant dans son contexte refoulé.
   Si Jésus a vraiment exercé un ministère baptismal, cela n’a pu se passer, si nous suivons la chronologie de Marc, qu’avant l’emprisonnement de Jean et donc lorsque Jésus, baptisé, était encore auprès du Baptiste. Il devait s’agir du baptême de Jean puisqu’il paraît inconcevable que Jésus ait pu donner le baptême dans le fief de celui auquel ce rite revenait en propre et par mission divine. Mais il n’aurait pas pu, non plus, administrer ce baptême s’il n’avait pas été au service du Baptiste, et donc parmi ses disciples. Ce contexte correspond, pour l’essentiel, à l’anti-texte selon lequel Jésus aurait été empêché par l’ange non pas d’être baptisé, mais de baptiser.
   Ceci étant, le récit du quatrième évangile se laisse aisément comprendre comme une interprétation christologique de cette information par le truchement d’une censure. D’abord, l’auteur du quatrième évangile anticipe la vision de Jean pour empêcher que Jésus ne reçoive le baptême, la sainteté qui lui revient en tant que fils de Dieu défendant qu’il soit baptisé. Ensuite, il change le temps et le lieu de l’activité baptismale, en prolongeant la présence de Jean au Jourdain pour recouvrir le temps de la première mission de Jésus en Galilée : Jean aurait été mis en prison beaucoup plus tard, tandis que le départ de Jésus pour la Galilée est avancé. Ces retouches lui permettent d’affirmer que Jésus baptisait, mais seulement lors de sa deuxième venue au Jourdain, dans le but de commencer son ministère d’évangélisation.
   Le schéma qui suit peut nous faire comprendre l’artifice du texte.



1984




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u0522000 : 03/06/2018