Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
- Introduction
- Le procès
- L’accusation
- La condamnation
. Introduction
. Le cadre juridique
. La légitimité
- L’arbitrage du Baptiste
- Résumé
Le délire et le désert
Des événements au texte
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Le fondement juridique de l’excommunication
L’effet coercitif de la peine une fois cerné, il convient maintenant de chercher à en déterminer le fondement juridique. Comme je l’ai déjà dit, l’innocence ou la culpabilité de Jésus n’étant pas évidentes, il fallait que les enquêteurs aient des preuves de sa mission prophétique. Celles-ci consistaient en l’accomplissement par Jésus de signes venant de Dieu. Or non seulement Jésus n’accomplit pas de signes, mais les juifs découvrirent qu’il était bâtard, par conséquent inapte au ministère prophétique.
Ils n’osèrent cependant pas le condamner à mort comme faux prophète. Certes, lorsqu’il avait remis en question la descendance d’Abraham comme condition nécessaire au pardon des péchés, quelques membres de l’assemblée auraient tenté de le lapider et Jésus avait exploité la saisie de ces pierres pour confirmer son message : « Je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham » (Mt 3:9), mais cette tentative aurait été un signe d’indignation plutôt que l’exécution d’un jugement populaire. Pour que la condamnation soit légitime, il fallait avoir levé un doute : l’absence de signes et la naissance bâtarde constituaient peut-être une énigme par laquelle Dieu voulait manifester sa souveraineté et sa liberté.
On ne pouvait alors que soumettre Jésus à l’épreuve de Dieu, en le mettant dans une situation impossible à supporter sans son aide. On exigeait donc toujours un signe, mais cette fois celui-ci consistait dans la mort ou la survie du suspect. S’il venait de Dieu, celui-ci le sauverait, s’il était un menteur Dieu l’abandonnerait à lui-même pour le laisser mourir(1).
Cette épreuve est propre à la religion ; elle ne se fonde pas sur l’évidence mais sur la crédibilité, dont le fondement est précisément le miracle. L’épreuve varie dans sa matière et dans sa forme selon les temps et les systèmes religieux, mais elle conduit immuablement à la même alternative : la vie ou la mort. Il s’agit selon les cas de marcher sur la braise ardente, de se jeter ou d’être jeté dans une fosse aux lions, de se jeter d’une montagne ou, comme ici, d’être chassé dans le désert.
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(1) Jésus a toujours été poursuivi par les juifs qui lui demandaient un signe (Mc 8:11 ; 16:17 ; Mt 11:2 ; 24:3 ; Lc 11:29) ; il en fut excédé, au point de les traiter de « race adultère et méchante » (Mt 12:38-39 ; 16:1-4).
En ce qui concerne la preuve de Dieu à laquelle Jésus est soumis dans le désert, elle se laisse entrevoir dans les récits du désert de Matthieu et de Luc, qui sont présentés comme des récits de la tentation de Jésus par le diable. Le diable le tente dans la mesure où il le pousse à tenter Dieu, soit en se jetant du sommet du temple, soit en recourant à la magie pour changer les pierres en pain, soit encore en lui vendant son âme. 
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