Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
- Introduction
- Le récit de Daniel 4
- Jésus et Nabuchodonosor
- De Jésus à Daniel
- De Daniel à l’accusation
. Introduction
. L’omission de l’arbre
. La trame du texte
. Du fait au document
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L’omission de l’image de l’arbre
La séquence de Daniel concernant le rêve de Nabuchodonosor (Dn 4) est axée sur l’image de l’arbre, dans sa double expression d’arbre intact qui couvre de son ombre toute la terre, et d’arbre ébranché et abattu. Or l’image de l’arbre coupé se trouve bien dans le discours de Jésus, et celle de l’arbre intact dans sa parabole. Cette correspondance aurait dû suffire aux écrivains pour les pousser à interpréter le fait de ce discours à la lumière du récit de Daniel. L’image exprimée dans la parabole aurait dû assimiler Jésus au roi dans son péché d’orgueil, tandis que l’image de l’arbre ébranché et abattu aurait dû permettre de retourner contre Jésus lui-même le jugement qu’il avait prononcé contre le judaïsme.
Pourquoi cette dimension propre à la double fonction de l’arbre fait-elle défaut dans le récit ? Il convient de noter qu’en assimilant Jésus à Nabuchodonosor dans le cadre de cette péricope, il aurait fallu aussi affirmer que Jésus avait reçu, en songe, une vision adressée par Dieu. Or cette affirmation aurait impliqué la reconnaissance que Jésus avait été jugé digne d’une vision divine et, par conséquent, que la perspective du royaume de Dieu, telle qu’elle était exprimée dans la parabole du grain de sénevé, était vraie sur le fond.
Cette implication aurait été en contradiction absolue avec l’image que les auteurs du document voulaient présenter de Jésus : homme bâtard, charlatan plutôt que prophète. Ainsi Jésus, contrairement à Nabuchodonosor, ne pouvait pas avoir de vision, celle-ci devait être attribuée à Jean-Baptiste, chargé ainsi du rôle d’interpréter à l’instar de Daniel.
Tout donne alors à penser que l’image de l’arbre du royaume ne fut considérée par les auteurs du document que comme un rêve éveillé de Jésus, rêve de grandeur dont il aurait été hanté, dans son désir démesuré de pouvoir. En refusant ce rêve à Jésus, les écrivains n’utilisèrent pas l’image de l’arbre, bien que celle-ci soit restée présente à leur esprit.
Ainsi elle fut opératoire, moins pour offrir un espace littéraire au nouveau récit que pour déclencher en eux la dynamique du processus d’écriture : elle donnait aux écrivains la conviction que la figure du roi était bien représentative de l’image du personnage christique dont Jésus, à leurs yeux, s’était revêtu, l’image de l’arbre ébranché et abattu les autorisant, en outre, à renverser sur lui la condamnation qu’elle exprimait à l’encontre du roi.
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