EN SARDAIGNE :
Dans un jardin en Éden
La grammaire latine
Iaiou
Œil de bœuf
De jardin en cimetière
- Au jardin
- Les figues
- La poupée
- Les chatons
- Le bon docteur
Le sacrifice de ma mère
Enfant de chœur
Homo homini lupus
Revendication et pardon
La confession des péchés
Dans la contradiction d’une crise
Le Père Olivi, à son retour
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’étaient des fruits dont j’étais gourmand. Je cueillais de préférence celles de l’espèce « martiniedda », dans un arbre qui montait sur le jardin en s’élevant de l’ orto (le jardin potager). Je connaissais bien l’arbre, et je le surveillais de près tout au long du murissement, par crainte des dégâts que les moineaux auraient pu leur infliger.
Un jour, le jardinier me dit « Ho ! Ennio, saches que les figues ne sont pas à toi ! » « Non ? Je ne cueille cependant que celles qui poussent sur les branches qui donnent sur " mon " jardin. » « Mais ces branches aussi sont à moi », me répond-t-il brusquement. « Hé bien, puisqu’elles se répandent dans mon jardin, je les couperai, pour ne pas m’approprier ce qui n’est pas à moi. Ou, si vous voulez, pour empêcher que ce qui n’est pas à moi pousse sur mon terrain et abuse de mon soleil. » Il s’éloigna indigné en murmurant : « Malheur à toi ! »
Dès lors, de temps en temps, je le suivais du haut du jardin. Un jour, en regardant sa lolla, je vois qu’il avait dans ses mains un rat vivant, et le tue d’une violente morsure de ses dents. J’en ai eu un tel dégoût que j’ai couru à la maison en criant : « Maman, maman, Zio Antonio n’est pas tout à fait un homme ! Il a tué un rat (merdona) avec sa bouche, en le mordant comme un chien. Ce n’est pas un homme comme les autres, mais un homme-bête ! Il me fait peur ! » « Tu n’as pas besoin de regarder ce qu’il fait. Occupe-toi de tes oignons ! » Mais je remarquais sur ses lèvres une grimace qui manifestait bien son dégoût ! Elle m’avait bien compris.
Quelques jours après, le fils de Zio Antonio, dont j’étais ami, vint chez moi, mais je ne lui ai rien dit sur la « merdona » tuée par son père à coups de dents. C’est lui, par contre, qui me dit : « Ennio, fais attention, car mon père a mis dans certaines figues un liquide qui donne la diarrhée ». « Merci beaucoup, tu es un vrai ami. Mais tu sais, à mon dernier regard sur l’arbre j’avais remarqué que des figues très mures n’avaient pas été touchées par les oiseaux. Ils ont été gentils avec moi ! »
Mon ami parti, j’ai cueilli une de ces figues et, en voyant son père dans sa lolla, je la lui offre du haut du jardin, en lui disant : « Zio Antonio, j’ai trouvé cette figue très mure et j’ai pensé à vous l’offrir. » En baissant la tête, il me répond en grommelant : « Mettila in culo ! » Je me mis à rire en pensant que, pour lui répondre sur le même ton, j’aurais dû la jeter dans le sien ! Peut-être a-t-il craint que je le fasse, car il a accéléré le pas. Mais il n’a plus osé se plaindre des figues que je cueillais dans son arbre !
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