ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
Ennio FlorisAutobiographie |
De jardin en cimetièreLa poupée |
EN SARDAIGNE :Dans un jardin en ÉdenLa grammaire latine Iaiou Œil de bœuf De jardin en cimetière - Au jardin - Les figues - La poupée - Les chatons - Le bon docteur Le sacrifice de ma mère Enfant de chœur Homo homini lupus Revendication et pardon La confession des péchés Dans la contradiction d’une crise Le Père Olivi, à son retour LE DÉPARTL’ITALIEPUIS LA FRANCE............................................ |
cet âge, j’ai trouvé en Ubalda, ma sœur, ma meilleure amie. Elle avait trois ans de moins que moi, mais je sentais qu’elle était très proche de moi par l’intelligence, avec cependant une mémoire plus forte que la mienne, et une force de volonté égale. On se comprenait. Je jouais avec elle à la course, au père et à la mère, aux fiancés en se tenant l’un en face de l’autre à la fenêtre, comme les amoureux qu’on voyait le soir en ville à la fenêtre du rez-de-chaussée de quelques maisons. Enfin, au cheval, dans lequel, évidemment, le cheval c’était moi. Je souffrais cependant pour elle, parce qu’elle n’avait qu’une très petite bambola (poupée). J’avais pensé pouvoir lui en acheter une plus grande, en cherchant à faire les achats de la maison chez les boutiquiers qui faisaient des réductions. La bambola vint un jour, par miracle ! Je l’ai trouvée en bas des maisons qui donnent sur le jardin, tombée du premier ou du deuxième étage. Tout content, je la porte à la maison, je la nettoie, et je la donne à Ubalda, qui en fut enchantée, la recevant comme une grâce. Mais voilà que deux jours après, Zia Promisena, la femme de ménage de Mme Mascolo, propriétaire du jardin, vient à la maison en réclamant la poupée. Je lui dis : « La poupée ? Elle s’est cassée, Zia Promisena, en tombant ! » Elle avait bien compris, mais elle me semblait troublée par la situation. Elle ne dit rien et remonte chez sa maîtresse. Plus tard elle revient, mais pour rencontrer cette fois maman, de la part de Mme Mascolo. Maman ne pouvait que m’obliger à restituer la poupée. J’étais indigné autant du comportement de Mme Mascolo que de ma stupidité pour ne pas l’avoir prévu. « Oui, la poupée est à elle, mais pourquoi revendique-t-elle la poupée et non les chiffons, les papiers, les vieilles chaussures, la " merde " qu’elle jette directement ou indirectement tous les jours dans le jardin ? Au point que dans ce jardin, sur un espace de trois mètres, il ne pousse rien et il n’y a rien d’autre que de la vase, et de la mauvaise herbe ? » Il me vint à l’esprit de ramasser un peu de cette ordure et de la remettre à Mme Mascolo pour lui restituer gratuitement les autres choses qu’elle avait laissées tomber dans le jardin ! J’ai reconnu cependant que maman avait raison de m’imposer la restitution, si on ne voulait pas subir d’inévitables conséquences douloureuses. Mais, sachant que Madame faisait la sieste, je décidais de l’en empêcher, afin qu’elle puisse bercer la poupée et mettre de la crème sur ses petits pieds d’argile ! Je fis quelques pas sur le sol du jardin en bas des palais, et je trouvais un gros pot de confiture et, plus loin, une vieille louche, et je me mis en bas du long balcon de Mme Mascolo, à tambouriner violemment avec la louche, en chantant les vers que j’entendais souvent dans la bouche de garçons en train de jouer : « Mortu canciofali ! Sa licenz’à su’umbriagoni ! » Boum ! Boum ! (Le carnaval est mort ! La licence à l’ivrogne !) Et je continue à crier jusqu’au moment où, au balcon de Mme Mascolo, apparaît Zia Promisena, criant « Garçon… Ennio, arrête-toi ! Madame fait la sieste ! » « Quoi ? Je n’entends pas, Zia Promisena ! » Et je criais plus fort encore : « Mortu canciofali, sa licenz’à s’umbriagoni, Boum, boum. » Maman entend et m’appelle, m’ordonnant de me taire. J’ai obéi à maman, comme toujours! Mais je lui ai dit : « Maman ! Je voulais seulement que Madame se réveille pour qu’elle berce sa poupée ! » Cette fois, cependant, j’ai pris conscience d’être allé au-delà des limites de l’éducation de mon milieu. Ce fut ma première contestation de nature politique contre les riches ; mais les Mascolo ne firent aucun recours ! Peut-être Madame fut-elle satisfaite d’avoir récupéré la « bambola » sans dégâts importants. Mais de ma part ce fut certes une erreur que de penser qu’une poupée était un objet superflu pour une femme adulte comme Mme Mascolo. |
t502530 : 01/12/2020