ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisAutobiographie |
De jardin en cimetièreLe bon docteur |
EN SARDAIGNE :Dans un jardin en ÉdenLa grammaire latine Iaiou Œil de bœuf De jardin en cimetière - Au jardin - Les figues - La poupée - Les chatons - Le bon docteur Le sacrifice de ma mère Enfant de chœur Homo homini lupus Revendication et pardon La confession des péchés Dans la contradiction d’une crise Le Père Olivi, à son retour LE DÉPARTL’ITALIEPUIS LA FRANCE............................................ |
ne des tâches que j’avais insensiblement assumées était celle d’enterrer dans le jardin des objets ou des corps d’animaux domestiques, si des amis me le demandaient. D’ailleurs, nous aussi dans la famille on faisait ainsi, avec nos chats, nos rats, nos oiseaux, nos chiens. Mais, vers la fin, cette offre de service m’a causé des surprises. Un jour, je vois venir chez moi le Docteur Porrà, accompagné d’une femme et portant un paquet. Il manifeste beaucoup de plaisir en me voyant. Il me dit que devant faire, en tant que médecin, beaucoup d’expériences, il venait chez moi, afin que je puisse enterrer le corps de la bête qui avait été objet de ses dernières recherches. Il préférait qu’elle soit enterrée dans le jardin à cause du secret que toute expérimentation portait en elle-même. Le paquet n’était pas grand. Je l’ai pris, l’assurant que je l’aurais enterré le plus tôt possible. Mais le docteur insista pour que je le fasse tout de suite, m’assurant qu’il avait le temps d’attendre. J’ai fermé les yeux pour trouver mentalement dans le jardin l’endroit où je pourrais le mettre, et je cours avec le paquet. Au retour, le docteur me remercie beaucoup. Je salue la dame, persuadé qu’elle était sa femme. Le Docteur vint une deuxième fois, accompagné par une femme, qui n’était pas celle de la première fois. Avec surprise, je constate que le paquet était vraiment grand. « Cette fois, me dit-il, l’objet de mes expériences est une bête un peu plus grande, mais elle ne sera pas trop lourde pour toi. » Je pensais à un chien, mais je n’en étais pas tout à fait convaincu. Je cherchais mentalement dans le jardin l’endroit où enterrer ce paquet. Le trouvant, je prends donc le paquet et je vais à l’endroit établi. Je fais la fosse large, beaucoup plus que ce que le volume du paquet exigeait. Mais le doute me poursuivait : « C’est vraiment un chien, ou je me trompe ? » Avec la pelle qui m’avait permis de faire la fosse, j’ai cherché à ouvrir le paquet pour en connaître le contenu. J’ouvre… « Mon Dieu ! Un bébé ! Mais comment est-ce possible ? Le docteur aurait fait des expériences sur ce bébé ? L’a-t-il tué, comme il a tué Iaiou ? Non, la mère du bébé est là. Est-il alors mort-né ? Et le docteur en a-t-il profité pour faire des expériences ? » Je n’en revenais pas. J’arrête de me poser des questions pour procéder à l’enterrement, recouvrant la fosse aussi plat que possible pour ne pas donner l’impression d’un tombeau. Seulement, j’ai mis sur le tombeau une fleur ! Je ne peux pas dire si, comme la première fois, je suis retourné vers ceux qui m’attendaient. Peut-être ne me voyant pas, étaient-ils rentrés à la maison. Mais comment aurais-je pu oublier ? J’éprouvais une telle horreur que mon propos était de retourner pour lui cracher à la figure. Mais je préférais jeter ces événements dans la poubelle de l’oubli, en renonçant à toute autre offense. Par ces deux tombeaux le jardin, déjà assombri par la mort de mon grand-père, m’est apparu comme un cimetière, au sens réel du mot. Il n’était plus pour moi qu’un jardin sous l’ombre de la mort, celle de Iaiou, mais parce qu’il était devenu terre des morts ! J’y allais encore pour cueillir des fruits ou pour d’autres besoins, mais j’avais en même temps le désir de le fuir, parce qu’il gardait dans sa terre non seulement des plantes mais aussi des cadavres. Peut-être que je voyais en moi l’ombre de mon enfance s’évanouir… Si j’allais encore au jardin, c’était plutôt pour me rendre à sa lolla, afin de rencontrer l’oncle Lazzaro, qui l’avait pris en location pour son travail. Mais oncle Lazzaro cohabitait avec une femme, considérée par ma famille comme une garce. Maman m’avait défendu d’avoir des relations avec cette femme. Or elle était souvent avec son ami, en l’aidant aussi dans le jardin, et de plus, elle m’aimait beaucoup et était très gentille avec moi. Les paroles de Maman me défendant toute relation avec elle étaient dures et sans exception : « De ne plus voir cette putain » (bagascia). Maman devait avoir vraiment honte que son frère vive avec elle, et aussi craindre qu’elle me corrompe. Mais je n’aurais pas pu m’éloigner tout à fait de l’amie de mon oncle sans l’abandonner lui aussi, suscitant sa colère contre elle et la haine de cette femme. J’ai respecté la défense de ma mère en limitant les rencontres avec l’amie de mon oncle. Ainsi, malgré ma sympathie, cette femme venait à prendre place dans mon esprit parmi les « bagascies » de ma connaissance. J’ai décidé alors d’aller plus souvent à l’église, confiant de ne pas encore tomber sur une autre « bagascia ». C’est alors que l’image de la vierge Marie s’est présentée plus fréquemment à mon esprit, comme par un jeu qui venait sans doute de la foi elle-même. En effet, quoique celle-ci ait eu comme premier objet Jésus-Christ, elle a trouvé son épanouissement dans la dévotion à Marie. Du culte du Fils, la foi nous a conduits en effet à celui de la mère qui l’a engendré. |
t502550 : 03/12/2020