ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisJudas |
Introduction |
3- Le processus phénoménologique de la foi en Jésus-Christ |
PROLOGUE INTRODUCTION - La narration des évangiles - Documents d’histoire ? - Processus phénoméno- logique de la foi - Le Christ - Jésus - Jésus est le Christ - Jésus comme Christ - Les évangiles entre raison et foi - Les évangiles comme anti-histoire - Fois - Approche historique de Jésus - Recherche historique sur Judas REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES DU JUDAS DE L’HISTOIRE AU JUDAS DES RÉCITS ÉPILOGUE ANNEXES . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Premier terme : le ChristLe mot « Christ », qui signifie « oint », attribué à Jésus est moins un attribut, que le surnom d’une personne, au-delà de toute expérience. À juste titre, il est écrit dans le texte cité du quatrième évangile : « le Christ, le Fils de Dieu », avec l’article et l’indication de la personne. Selon la tradition biblique, Dieu, Yahvé, n’a pas de fils. Elle reconnaît parfois pour fils Israël, le peuple que Dieu a élu (Os 11:1), mais par antonomase, car il lui revient en propre d’être déclaré « serviteur ». Mais il est « Fils » puisque Dieu l’a aimé comme tel, lui confiant le rôle saint et royal d’annoncer son nom parmi les peuples, afin de les réunir sous sa seigneurie. Aussi, lui a-t-il promis en héritage la royauté sur le monde. Le peuple a vécu dans cette foi. Cependant, son histoire l’a conduit dans des péripéties qui semblent l’éloigner de la condition d’existence propre à un « fils de Dieu », selon la finalité à laquelle il avait été destiné. Loin de jouer un rôle royal parmi les nations, il a été déporté, asservi aux Perses et aux Babyloniens comme, plus tard, aux Grecs et aux Romains. Présentant seulement les signes de la souffrance dans sa chair et l’humiliation dans son âme, le serviteur de Dieu pouvait-il se considérer toujours comme le Fils et le Christ de Dieu ? Les prophètes s’en tenaient à adresser au peuple des oracles consolateurs. Seul, le deuxième Isaïe lui révéla le mystère de sa souffrance et de son humiliation, dans les chants du « serviteur de l’Éternel » : « Semblable à un rejeton qui sort d’une terre desséchée… le serviteur de l’Éternel est méprisé, dédaigné et abandonné par tous, qui le considèrent comme un homme puni à cause de ses propres péchés… Il est cependant innocent, blessé par les péchés du peuple » (Is 53:1-5). Au moment où « le peuple est comme un troupeau errant… l’Éternel fait retomber sur son serviteur l’iniquité de tous... Il meurt dans l’angoisse… et sa sépulture se trouve parmi les méchants, alors qu’il n’avait commis aucune violence, et qu’il n’y avait pas de fraude dans sa bouche… Mais Dieu l’élèvera parmi les grands, pour qu’il partage le butin avec les puissants » (Is 53:6-12). « Il montera, il s’élèvera bien haut… devant lui les rois fermeront la bouche » (Is 52:13-15). Qui est cet homme, sur qui Dieu a fait retomber les péchés du peuple ? Est-ce le deuxième Isaïe, ou un autre prophète, comme Jérémie ? Est-ce plutôt le peuple lui-même, le serviteur de l’Éternel, personnifié dans les justes, qui subissent les peines réservées aux injustes afin de les racheter de leur péché ? Tel était le sens donné primitivement au chant et que les Juifs lui donnent encore aujourd’hui : le peuple s’identifiait dans ce « serviteur » souffrant et humilié jusqu’à la mort, et qui sortait du tombeau pour connaître la gloire. Dieu l’élevait au-dessus des puissants, à l’étonnement des rois de la terre, afin qu’il accomplisse les promesses faites à Abraham. Mais le message était nouveau : en effet, le peuple parvenait à son élection non par la guerre, le pouvoir et la domination, mais par la souffrance et l’expérience d’une fidélité scellée dans la mort. Pour en saisir la nouveauté, il faut citer le texte de la Genèse sur l’intercession d’Abraham auprès de Dieu pour le salut de Sodome (Gn 18:16-33). Le patriarche lui demande s’il accorderait sa miséricorde à Sodome, au cas où il s’y trouverait des justes. Il en est convaincu puisque, agissant toujours selon la justice, il ne fera pas périr les justes avec les méchants. Sa requête est persuasive ; elle suggère cinquante justes et plaide pour dix. Dieu lui promet d’épargner la ville, si seulement dix justes y résident. (Gn 18:26). Mais Sodome sera détruite. Faut-il en conclure qu’il n’y avait même pas dix justes dans la ville ? Ils y avaient été, mais les anges « destructeurs » leur avaient fait quitter la ville avant sa destruction : Lot, ses gendres, ses fils et ses filles (Gn 19:12). Pour le prophète de l’exil, Dieu accomplit la justice selon d’autres critères. Il n’épargne pas aux justes la punition qui est le salaire du péché des injustes, il fait « retomber sur eux l’iniquité des injustes, afin que tous soient guéris du péché ». La justice ne peut atteindre sa perfection que par la médiation de l’amour. Certes, dans ses individualités particulières, le peuple est pécheur et juste à la fois, mais dans ses pécheurs il attire la colère de Dieu, et dans ses justes il obtient sa miséricorde pour les injustes aussi. Ainsi le peuple demeure-t-il toujours le serviteur en qui Dieu avait fondé son bon plaisir. L’annonce du prophète était parmi les plus consolantes et les plus bouleversantes car, par la médiation de l’amour, elle évitait au peuple de périr par une justice qui ne s’apaisait que dans la mort du pécheur. L’échange entre les justes et les injustes permettait au peuple de se sauver. Il devenait vain que les anges de la vengeance épargnent aux justes la peine redevable aux injustes, puisqu’ils doivent la subir pour sauver les injustes et vaincre le péché. Par la suite, il apparut que l’oracle du « serviteur de l’Éternel » était encore plus bouleversant qu’à première lecture. Pour que le serviteur de l’Éternel pût racheter le pécheur, il devait être sans péché sinon, en subissant la peine réservée aux pécheurs, il en aurait endossé le fardeau. Mais qui, parmi les hommes, pouvait se dire sans péché ? Car la Loi présuppose que tout homme, même juste, est pécheur. Si l’oracle fait reposer sur les « justes » un pouvoir rédempteur, il estime qu’ils sont la « figure » de celui qui, en s’incarnant avec une telle innocence, est capable de racheter les hommes du péché en anéantissant son pouvoir. Ce Sauveur est le Fils de Dieu. Cette interprétation donnait à la parole de Dieu une dignité nouvelle : par le « serviteur de l’Éternel » le prophète n’annonçait plus la souffrance et la glorification du peuple, mais celle du « Fils de Dieu ». Issu de Dieu, le Christ a pour fonction d’accomplir par l’amour la justice que la Loi ne peut réaliser que par la mort du pécheur. Il doit paraître dans le monde comme un simple homme, incognito, sa divinité étant voilée par la chair. Il sera un homme tel que le prophète l’a décrit dans le chant du « serviteur » : rejeton qui surgit d’une terre desséchée, homme accablé par le mépris et l’abandon, puni par Dieu, selon la croyance populaire, à cause de ses propres fautes. Mais ceux qui sauront le scruter à partir des Écritures et surtout de l’oracle du prophète, reconnaîtront en lui le Christ, qui s’est fait lui-même pécheur pour racheter les hommes des péchés. Ainsi, la foi au Christ surgit de l’attente de la venue dans le monde du Fils de Dieu, qui conduira le peuple au destin que Dieu lui avait réservé, et qu’il n’avait pas pu atteindre, à cause de ses péchés et des limites de la Loi. |
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t602310 : 05/11/2017