La foi mythique des origines

   Revenons-en aux origines du « Christ » dans les Écritures. Le « Christ » naît au cours de l’interprétation des chants d’Isaïe sur le « serviteur de l’Éternel ». Le prophète avait délivré ce message en réponse à la plainte du peuple, qui contestait que la Loi fut équitable, soit parce qu’elle faisait subir aux justes les peines réservées aux injustes, soit, plus profondément, parce qu’elle condamnait les péchés par la mort du pécheur.
   À cette plainte, le prophète répondit par les oracles sur le « serviteur de l’Éternel », qui endosse la peine pour des péchés qu’il n’a pas commis, afin de racheter les injustes de leurs péchés. Mais le peuple ne s’était pas reconnu dans l’image du « serviteur » ; il restait convaincu que seul celui qui est sans péché a la capacité d’expier les péchés des autres. Le prophète ne parlait du peuple qu’en image, dans la mesure où il le considérait comme la parabole de Celui qui, sans péché, devait surgir dans le monde pour libérer les hommes du péché : le « Christ », le Fils de Dieu.

   Comment l’image du « Christ », Fils de Dieu, s’est-elle dessinée dans l’esprit du peuple ? Par elle-même, car elle personnifiait les nouvelles valeurs d’existence que, dans sa plainte, le peuple implorait de Dieu. En effet, le Christ de la foi n’a de réalité qu’en se chargeant des péchés des hommes pour les racheter. Cette image n’est pas issue d’une exégèse, ni même d’une interprétation sémantique de l’oracle, mais de son interprétation en rapport à la situation existentielle du peuple. Le Christ est le transfert de sa conscience. Mais s’agissant toujours d’une interprétation des Écritures, l’image du Christ est demeurée implicite en celles-ci, et donc révélée par Dieu en réponse à leur plainte.