La vocation prophétique de Jésus

   Au chapitre second, nous avons présenté une vue d’ensemble rapide sur Jésus, de sa venue au désert jusqu’à son retour à Jérusalem pour sa dernière Pâque. Au désert, il a eu conscience de sa vocation prophétique. Revenons à l’origine de sa vocation.

   Les synoptiques relatent le séjour de Jésus au désert pour nous informer de sa rencontre avec le diable, qui le tente. Il est probable que les auteurs ont été soucieux de répondre aux accusateurs de Jésus, pour qui il aurait été seulement un homme possédé par Satan, son unique inspirateur. Il n’est pas dit, non plus, que Jésus, toujours harcelé de donner un signe de son prophétisme, l’ait révélé par un événement surnaturel d’origine divine.
   Jésus n’a certainement pas été un prophète comme Isaïe ou Ezéchiel, auxquels Dieu était apparu, ou comme d’autres, auxquels il a adressé sa parole. Par contre, il se trouvait en accord avec Osée. Il existait en effet, entre le message d’Osée et la situation existentielle de Jésus, une affinité telle qu’il est légitime de penser que celle-ci peut être considérée comme le signe évident de sa vocation. Il était le prophète appelé par Dieu pour réaliser le message d’Osée.
   Fils bâtard, Jésus s’est rendu au désert pour recevoir de Dieu lui-même la légitimité de son appartenance à la famille d’Israël, dont à sa naissance il avait été exclu par la Loi.
   Or, en lisant Osée, il avait appris que Dieu n’habitait plus le Temple, mais se trouvait précisément dans le désert, le lieu de sa première demeure, où il était retourné à cause de l’infidélité de son peuple. Il découvrait aussi que ce peuple – son peuple – était pour Dieu une génération de bâtards, que le prophète appelait à revenir à Dieu, et à plaider contre leur mère prostituée, la fille d’Israël. Jésus était l’un de ces fils de prostitution qui, sans le savoir, se rendait au désert à l’appel de Dieu. Cela avait suffi à le convaincre que, par sa propre bâtardise, Dieu l’avait appelé pour lui confier le message adressé jadis à Osée. Jésus revint alors du désert prophète dans le sillage d’Osée.

   Jésus serait donc devenu prophète sans avoir vu Dieu ni même entendu sa voix ? Il a vu Dieu par une conviction intime de conscience. Il n’a pas entendu sa parole, mais il a lu chez Osée que son existence témoignait de sa parole par des signes évidents. Il se situait ainsi entre les prophètes et les scribes : en-dessous des prophètes, car il déchiffrait la parole de Dieu dans leur message, mais au-dessus des scribes, car il parvenait à saisir la parole des prophètes non à travers la seule exégèse de leurs mots, mais par les signes de la vie. Cette compréhension lui donnait conscience d’être l’interprète des prophètes le plus accrédité par Dieu, puisqu’il les appréhendait par des signes de reconnaissance que Dieu lui-même avait inscrits dans sa chair.