ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


De la naissance de Jésus-Christ
à la naissance de Jésus




L’évangile de Matthieu : la naissance du fils de David




La généalogie de Jésus :
« Né d’une femme »



Sommaire
Avertissement

Introduction

La naissance chez Paul

L’évangile de Marc

Matthieu : naissance du roi des juifs
- Le récit
- La généalogie de Jésus
  . Né d’une femme
  . L’image refoulée de Marie
- L’épisode de la naissance
- La reconnaissance du roi des Juifs

Luc : naissance du fils de Dieu

La naissance du héros

Jean : le samaritain

Marie

Joseph

Les noms de Jésus

L’évangile de Thomas

Témoignages des juifs

Jésus


. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

   Matthieu reprend l’affirmation de Paul, selon laquelle Jésus est « né d’une femme ». Il précise cependant le nom de cette femme, déjà cité par Marc, elle s’appelle Marie (Mc 6:3). De plus, la relation de dépendance du fils à la mère est elle aussi déterminée. En effet, Paul emploie le verbe « gignomoai », voulant signifier que Jésus est né d’une femme juive, s’inscrivant par sa naissance dans la génération des fils d’Abraham. Matthieu utilise le verbe « gennao » : Jésus est un « engendré » de la femme et non de son époux, celui qui l’a engendré reste inconnu, son apparition dans la généalogie constitue une aporie.

   Légitimement ne peuvent être insérés dans une généalogie que les enfants qui ont été engendrés par un homme : le fait d’être né d’une femme, tout en étant nécessaire, ne constitue pas un facteur de légitimité. Comment donc Matthieu parvient-il à inscrire Jésus dans la généalogie ? Par la médiation de Joseph, époux de Marie. Il s’agit donc d’un acte d’adoption, estimé équivalent juridiquement à la génération. L’expression reste cependant floue et ambigüe : d’une part, Joseph demeure passif, non seulement il « n’engendre » pas Jésus, mais il n’accomplit aucun acte explicite d’adoption ; d’autre part Marie, tout en étant le sujet du fait que Jésus est engendré, n’engendre pas contrairement aux hommes de la généalogie. Il y a donc un engendré sans acte de génération (egenennesen), la chaîne de la génération est brisée et reprise à un autre niveau, mettant en cause toute la généalogie.
   En effet, même si Jésus est légitimé par l’adoption de l’époux de Marie, il n’en reste pas moins qu’il est né hors de la légitimité des fils d’Israël et que devant la loi il est un bâtard. D’où la question : comment se fait-il que Dieu ait fait naître son fils hors la loi, dans une condition d’illégitimité, comme un refoulé de la loi ?

   Matthieu a dû se poser cette question, puisqu’il y répond en apportant une modification appropriée à sa généalogie. En effet, au lieu de rester fidèle au schéma généalogique qui ne détermine les générations que par référence au père, il nomme aussi, dans quatre généalogies de la première série, des femmes : Tamar, Rahab, Ruth et Beersheba. Ainsi les enfants engendrés par Juda, Salomon, Booz et David sont aussi « nés de la femme ». Plus encore, ces quatre mères sont entachées de prostitution, Matthieu justifiant ainsi la condition illégitime de Jésus : puisque la prostitution affecte les premières générations jusqu’à celle de David, on peut penser que Matthieu la considérait comme un « signe » énigmatique destiné à faire reconnaître la naissance du Christ. Jésus est né « d’une femme », hors de la légitimité de la loi, parce qu’il devait naître comme Christ.

   Il faut se demander d’où Matthieu a-t-il su que Jésus était né comme bâtard. Certes pas par l’a priori biblique, contrairement à la conviction qu’il était fils de David. En effet, malgré les situations scandaleuses qui affectent ces quatre femmes, on ne trouve nulle part que le Christ devait naître de la prostitution.
   Du fait que, selon Matthieu, Jésus est « roi des juifs », il aurait fallu le faire naître d’une femme stérile, comme les premiers pères du peuple juif. Matthieu passe de la naissance du fils d’une femme stérile, propre à la tradition juive, à une naissance hors de la légalité, propre à la tradition grecque. N’étant pas biblique, la naissance de Jésus comme enfant bâtard ne pouvait être connue que par voie d’information. Jésus ne naît pas comme bâtard parce que le Christ doit être tel, mais le Christ naît apparemment comme un bâtard dans la mesure où Jésus est censé l’être. Dès lors la recherche de Matthieu est interprétative, mais en se servant du code grec et non du code juif, car la naissance hors la loi n’est signe de conception divine que dans la naissance du héros.
   Ainsi, dans cette généalogie, Matthieu ne cherche pas seulement à insérer Jésus dans le cadre des naissances légitimes des fils d’Abraham mais il détourne la fonction de la généalogie dans un sens qui ne lui était pas propre.

   Cette généalogie ouvre le problème des chapitres qui suivent, car si Jésus est né hors de la légitimité de la loi, et même sous sa condamnation, comment l’époux de sa mère a-t-il pu le légitimer et l’insérer dans la lignée des fils légitimes et héritiers ? Qui était celle que l’on disait prostituée, cette questaturia que les juifs aimaient à dénoncer ? Du texte se dégage l’image d’une femme moins pécheresse que malheureuse, victime plutôt que marchande d’amour et, peut-être, tellement désireuse d’être mère qu’elle en a transgressé la loi.



2011




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t732100 : 18/12/2017