Marie se rend auprès d’Élisabeth tout de suite après l’annonce de l’ange. On peut tirer de l’épisode que ce voyage s’explique en partie par le désir de confronter sa propre expérience avec celle de sa parente, mais aussi par la solidarité entre femmes qui se trouvent enceintes par une voie miraculeuse. Au niveau théologique, il trouve sa motivation dans le fait d’accomplir le double mouvement de l’ange, qui va d’abord chez Élisabeth puis chez Marie. Celle-ci, en se rendant chez la première, ne fait que traduire ce mouvement de l’ange en acte humain et historique.

   Cependant le départ de Marie n’apparaît pas tout à fait conforme à cette double expression.
   Tout d’abord le récit ne précise pas si Marie s’est décidée du fait de l’annonce de l’ange ou de celui de se trouver enceinte. Le récit permet d’avoir deux images : celle d’une femme qui s’éloigne pour accomplir le message et celle d’une femme qui s’éloigne parce qu’elle se découvre enceinte. Or cette dernière image est précisément celle de la tradition juive, dont Matthieu avait tenu compte mais que Luc a voulu faire complètement disparaître de son récit.
   Quelques précisions du récit favorisent le surgissement de cette dernière image. Marie ne se comporte pas comme les femmes stériles, dont le premier souci est d’informer leur époux de l’annonce de l’ange : elle décide de s’en aller, et le fait toute seule, comme si son époux n’existait pas. Elle semble fuir plutôt que partir, dans la mesure où elle quitte sa mère en hâte. Et il étonnant qu’elle traverse les montagnes pour se rendre chez Élisabeth, alors que le récit laisse penser que Zacharie, en tant que prêtre, habitait à Jérusalem.