C’est dans ce contexte qu’il convient de comprendre le cantique du Magnificat. Exégétiquement, ce cantique résulte d’une accumulation de textes bibliques, tirés en partie du cantique d’Anne. Mais il ne s’agit que de la matérialité de sa construction, tous ces passages trouvent leur unité dans le transfert sur Marie de l’image de Judith : il s’agit d’une femme que la grandeur de son enfant rachète de son péché de séduction, une prostituée dans laquelle les hommes ont vu l’idéal de la maternité de toutes les femmes.
   C’est par son enfant que Marie s’élève comme nouvelle héroïne dans la perspective nouvelle du monde du Nouveau Testament. Elle ne se voit plus dans la relation d’amour avec un homme, mais comme instrument d’un Dieu qui, par sa maternité, détruit ses ennemis, ceux qui ne voient en elle qu’une prostituée. Marie tue le détracteur de sa maternité comme Judith a tué Holopherne. « Mon âme exalte la grandeur du Seigneur parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de son esclave ».

   Le Dieu de Marie « déplie la force de son bras », « renverse les puissants de leur trône », « disperse ceux qui avaient dans leur cœur des pensées orgueilleuses », « renvoie les riches les mains vides ». C’est le Dieu de Siméon, père de Judith, qui a donné à celui-ci le glaive vengeur contre les étrangers qui ont violé une vierge, la jetant dans la honte, la confusion et le déshonneur (Jdt 9:2).