ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


De la naissance de Jésus-Christ
à la naissance de Jésus




L’évangile de Luc : la naissance du fils de Dieu




La naissance :
Jésus



Sommaire
Avertissement

Introduction

La naissance chez Paul

L’évangile de Marc

Matthieu : naissance du roi des juifs

Luc : naissance du fils de Dieu
- L’annonciation
- La visitation
- La naissance
  . Le signe
  . L’oracle
  . Découverte et adoration
  . Jésus
- La présentation

La naissance du héros

Jean : le samaritain

Marie

Joseph

Les noms de Jésus

L’évangile de Thomas

Témoignages des juifs

Jésus


. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

   Ce regard analytique nous a montré que le récit de Luc traduit une interprétation de la naissance de Jésus par le biais du Christ des Écritures. Précisément, les informations sur la naissance de Jésus ont été considérées comme signifiants de la naissance du Christ des Écritures. Pour retrouver Jésus, il faut donc décoder les récits afin de retrouver, sous le signifiant, les phénomènes propres à la naissance de Jésus.
   L’analyse nous a permis de distinguer les différentes couches du récit, en sorte que nous avons pu séparer un phénomène indéterminé de base de ses formalisations signifiantes et de l’objectivation opérant dans le récit. On peut donc déjà affirmer que le phénomène de naissance de Jésus doit correspondre au dessein de base du récit. Ce dessein serait le suivant : la vierge Marie, à la fin de sa gestation, quitte Nazareth pour accoucher hors de la ville, de nuit, à l’insu des gens ; elle accouche dans une étable, emmaillote son enfant et l’expose dans une crèche. L’enfant est trouvé par des bergers.
   Cette trame n’est pas encore tout à fait déterminée. Pourquoi la vierge enceinte a-t-elle quitté sa ville, alors qu’elle sait que le temps de l’accouchement est proche ? Pourquoi accouche-t-elle hors de la ville, seule et dans une étable ? Comment les bergers sont-ils parvenus à retrouver l’enfant ? Il ne s’agit pas encore d’une histoire au sens plein du terme, mais de faits isolés énoncés sans lien de causalité.

   Or Luc insère ces faits dans un enchaînement de causalités, voulant ainsi reconstituer l’histoire :

   Pourquoi Marie a-t-elle quitté Nazareth dans le dernier mois de sa grossesse ? Pour se rendre à Bethléem car le procurateur romain Quirinus avait promulgué un édit obligeant tous les sujets de l’empire à se rendre dans leur circonscription pour y être recensés. Le voyage de Marie à Nazareth est historique si l’édit de recensement l’est aussi, or l’histoire n’en a gardé aucune trace. Par conséquent le déplacement de la vierge-mère ne peut pas être justifié par cette cause. Mais pourquoi alors Luc a-t-il recours à un événement ayant une fonction historique, alors que cet événement n’a pas eu lieu ? C’est qu’il a voulu écarter de l’esprit du lecteur une autre interprétation historique du fait.
   De l’aveu même de Matthieu, Marie était une jeune-fille « trouvée enceinte ». Ainsi l’unique explication au départ de sa ville de la vierge trouvée enceinte ne peut être que la fuite, pour échapper aux poursuites judiciaires, à l’infamie, au déshonneur et à toutes les conséquences du scandale. L’édit de Quirinus n’est qu’une fiction littéraire et théologique, inventée pour que la vierge puisse, selon le code messianique des Écritures, aller enfanter dans la cité de David.

   Pourquoi Marie n’accouche-t-elle pas dans une maison en ville mais dans une étable, seule (hormis Joseph), pourquoi expose-t-elle l’enfant dans une crèche ?
   Luc explique ces circonstances en disant que Marie et Joseph n’avaient pas trouvé de place dans les hôtels de Bethléem ; mais puisque le recensement n’est pas historique, une affluence exceptionnelle dans cette bourgade n’est pas historique non plus.
   Le fait initial doit être recherché selon la phénoménologie propre à la femme trouvée enceinte et fuyant sa ville. Elle ne peut enfanter que de façon clandestine, et elle expose l’enfant parce qu’elle ne peut pas le garder.
   Ici aussi, la raison présentée par Luc est théologique et idéologique. Elle n’a pas la fonction de dire, mais de cacher ce qui s’est passé, afin de présenter la naissance de Jésus d’une façon signifiante de la naissance du Christ : d’après lui, Marie n’a pas exposé l’enfant pour s’en débarrasser, mais pour le présenter aux bergers comme signe de la naissance du Christ.

   Les bergers ne trouvent pas Jésus comme un enfant « exposé » et abandonné, mais comme l’enfant révélé comme Christ : en même temps qu’ils trouvent Jésus, ils découvrent qu’il est le Christ.
   L’apparition de l’ange et la révélation de la naissance de Jésus comme signe ne sont pas des faits historiques, mais la transposition en récit de l’interprétation faite par l’Église de la naissance de Jésus. Si des bergers ont trouvé Jésus, c’est par hasard ; ils ont trouvé un enfant abandonné, sans père et peut-être sans mère.

   Faute de base historique aux circonstances alléguées par Luc, et devant penser que ces circonstances ont pour but d’écarter l’attention du lecteur de celles qui étaient liées à la femme trouvée enceinte, il reste que la naissance de Jésus est celle d’un enfant bâtard.
   Luc savait que les juifs considéraient Jésus comme un bâtard, qu’il était le fils d’une femme trouvée enceinte. Mais lui, avec son Église, croyait fermement qu’il ne s’agissait que d’une apparence, car Jésus était le fils d’une vierge fécondée par le Saint Esprit.
   Voulant raconter la naissance de Jésus en tant que fils d’une vierge, il ne pouvait pas avoir recours au modèle de la naissance des aînés d’Israël, ni non plus se fier à celui de la naissance du héros car celui-ci, bien que né d’une vierge, était un bâtard. Luc a alors inséré la naissance de Jésus dans le modèle de celle du héros, en en modifiant tous les traits : la fuite de la mère, son accouchement clandestin, l’exposition de l’enfant et sa découverte. Ces modifications cependant ont été purement théologiques et n’ont d’historique que l’apparence. Il s’ensuit que, dans son récit, l’ombre de femme « trouvée enceinte » suit toujours la mère-vierge, comme celle du bâtard reste derrière l’image du fils de Dieu. C’est par cette ombre qu’il est possible de retrouver Jésus.



2011




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t743400 : 20/12/2017