ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris


La recherche historique de Jésus





Le discours religieux et l’analyse référentielle :
les évangiles


Sommaire

Parole de Dieu et recherche historique

Méthode d’approche référentielle

Discours religieux et analyse référentielle
  - Introduction
  - Croire
  - Dieu
  - Manifestations de Dieu
  - Les évangiles
    . Parole de Dieu
    . Structure du discours
      - Introduction
      - Les trois fonctions
      - Lecture et analyse
      - Problème référentiel
      - L’expérience de foi
      - La structure
      - Les apories
      - La méthode

Croire et penser

Esquisse d’un portrait de Jésus

Les évangiles, tombeau de Jésus




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

La structure du discours :
les apories et le processus analytique


   « Ils se sont scandalisés de lui » (Mc 6:2).
   Ce scandale suppose que les nazaréens ont considéré le fait qu’il enseigne et opère des prodiges comme une occasion de péché pour eux, c’est-à-dire qu’ils ont conscience de pécher s’ils croient qu’il enseigne des choses vraies et qu’il opère vraiment des prodiges. Mais s’ils sont convaincus de commettre un péché en y croyant, c’est qu’ils supposent que ce que Jésus enseigne ou opère est honteux, n’est pas vrai selon Dieu, ne vient pas de Dieu, n’est pas conforme à la loi, bref est un mal.

   Pourquoi se scandalisent-ils ? Ils ne se scandalisent pas parce qu’ils comprennent ce qu’il dit ou fait, mais parce que c’est lui qui le dit ou le fait. Dans le texte, on ne trouve pas d’autre explication du scandale que l’affirmation « n’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie… » (Mc 6:3). On ne peut interpréter « le fils de Marie » comme une simple désignation de reconnaissance sociale. S’ils pourraient bien s’étonner qu’un charpentier, le fils de Marie, puisse enseigner et opérer des prodiges bien que n’ayant pas eu de maître, pourquoi s’en « scandaliser » ? La tradition est riche en prophètes qui furent de simples bergers.
   S’ils se scandalisent, c’est signe que « fils de Marie » implique une origine honteuse. En effet, dans toute la tradition juive, les enfants sont appelés relativement au père et jamais à la mère, même si le père est mort. Le seul cas de fils d’une femme est quand il s’agit d’un bâtard, d’un enfant de père inconnu. On peut comprendre alors la réaction des nazaréens : comment un bâtard, un fils de prostitution (porneias), peut-il prétendre enseigner, dire des choses pour les autres, guérir d’une façon propre aux hommes de Dieu, aux prophètes ? C’est impossible puisque Dieu, dans la Loi, interdit que le bâtard soit reçu dans la famille des fils d’Abraham.
   Cette interprétation est confirmée par la censure que les autres évangélistes exercent sur ce passage : « N’est-il pas le fils du charpentier, sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie ? » (Mt 13:55), « N’est-il pas le fils de Joseph ? » (Lc 4:22).
   Les nazaréens n’ont pas accepté que Jésus enseigne ni qu’il opère des miracles comme un prophète, car il est un fils de prostitution. En l’acceptant, ils auraient transgressé la Loi : « Celui qui est issu de prostitution n’entrera pas dans l’assemblée de l’Éternel… même sa dixième génération n’entrera point dans l’assemblée de l’Éternel » (Dt 23:3).

   Qui est Marie, dont Jésus est connu comme fils ? Légitimement, on peut penser qu’elle est sa mère, celle qui l’a conçu « ex porneias ». Peu importe ici de chercher à savoir si elle était coupable ou non, mais le fait qu’elle soit vivante fait penser légitimement qu’elle n’était pas coupable.
   Selon Mc 6:3, Jésus est aussi frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon. Il faut en déduire que Marie est aussi leur mère. Or, en Mt 27:56, on affirme qu’il y avait plusieurs femmes qui regardaient de loin le crucifié, et parmi elles « Marie, mère de Jacques et de Joseph », femme distincte de l’autre Marie, mère de Zébédée. Qui est cette Marie ? N’est-ce pas cette Marie qui était, selon Marc, mère de « Jacques et de Joset » et selon Matthieu mère de « Jacques et de Joseph » ? Alors, est-elle aussi la mère de Jésus, mais pourquoi Matthieu ne le dit-il pas ? On peut répondre qu’il s’agit bien de cette Marie, mais qu’en réalité elle n’était pas la véritable mère de Jésus mais une mère adoptive, celle qui l’avait allaité.

   Le scandale des nazaréens devient encore plus justifié, car Jésus était non seulement un enfant sans père mais aussi sans mère, un homme sans généalogie, ce qui est confirmé par He 7:1-3.

   Il ne s’agit donc pas de la composition d’une scène a priori, ni d’un récit qui nous renvoie à un fait qui s’est passé comme on pourrait le croire à première lecture, mais de la reconstruction dans un sens messianique d’un texte qui visait à prouver, sur le témoignage des nazaréens, que Jésus était un bâtard, qu’il était une honte et que sa prétention à se présenter comme un prophète était un péché. Le texte a été formalisé, disposé de façon à donner l’idée que les nazaréens ont reconnu l’origine divine de la prophétie de Jésus. Les contradictions, les apories, nous permettent donc de séparer la signification christologique du récit historique, bien que celui-ci ait été tronqué et censuré.
   Le dicton « le prophète n’est pas honoré dans sa patrie » est plutôt une réponse de l’Église qu’elle met dans la bouche de Jésus, réponse à l’accusation que Jésus n’était pas reconnu comme prophète dans sa patrie, mais au contraire était considéré comme inapte au prophétisme du fait qu’il était un fils de prostitution sans père et sans mère.



c 1990




Retour à l'accueil Analyse référentielle de Marc Haut de page La méthode      écrire au webmestre

tf234260 : 15/09/2019