La recherche historique de Jésus

Jésus dans le désert :
le dénouement de l’épreuve

   Selon les récits des synoptiques, Jésus n’a pas succombé à la tentation de Satan : en lui le « fils de Dieu » a triomphé sur les exigences de sa nature humaine. Si nous transposons cette victoire du niveau de la christologie au plan de l’histoire, il convient d’affirmer que Jésus a survécu aux innombrables périls du désert. A-t-il survécu parce qu’il a pu se soustraire à la peine qu’on lui avait infligée, ou parce qu’il a pu la supporter grâce à sa nature résistante, à la force de son caractère, à la foi en son engagement et à l’ingéniosité avec laquelle il a su exploiter les rares possibilités que lui offrait le désert ?

   L’affirmation de Marc selon laquelle Jésus se serait rendu en Galilée aussitôt que Jean ait été mis en prison peut nous porter à croire qu’il avait profité de l’éloignement du Baptiste pour interrompre sa période d’épreuve. En effet, rien ne le forçait à rester dans le désert à part le défi qu’il avait lancé à Jean et à sa communauté au sujet de son prophétisme. On peut donc penser que, le Baptiste n’étant plus là et ses disciples dispersés, Jésus n’était plus tenu par son engagement.
   Mais il faut prêter d’avantage d’attention au texte. Marc n’affirme pas que Jésus a quitté le désert aussitôt que Jean a été emprisonné, mais qu’il s’est rendu en Galilée. Le texte nous permet donc de penser que Jésus avait survécu à l’épreuve et était déjà sorti du désert avant que Jean ait été victime de la machination d’Hérode. Il faut en effet distinguer le lieu où Jean baptisait du désert où Jésus avait été chassé. Jésus ne va pas en Galilée à partir du désert, mais du lieu où Jean exerçait son ministère.
   En outre Jésus n’aurait pas pu se présenter en qualité de prophète s’il n’avait pas pu se prévaloir de l’accomplissement de cette épreuve, qui l’accréditait comme tel.

   À ce propos, un passage des synoptiques s’offre avec pertinence à notre considération. Les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens, demandent à Jésus : « par quelle autorité fais-tu ces choses, et qui t’a donné l’autorité de les faire ? » (Lc 20:2 ; Mc 11:28). Cette interrogation a une forme juridique et a été formulée lors du jugement de Jésus après l’occupation du temple. Or Jésus répond en interrogeant à son tour ses juges : « je vous adresserai aussi une question : le baptême de Jean venait-il du ciel ou des hommes ? » (Lc 20:3-4 ; Mc 11:29-30). Cette question visait à faire avouer à ses interlocuteurs, au moins par leur silence, que Jésus avait le même fondement d’autorité que Jean-Baptiste.
   Jésus aurait-il osé se mettre au même niveau que Jean devant ses juges s’il n’avait pas pu présenter les mêmes lettres de créance que le Baptiste ? Oui, il était le prophète issu de Jean, il venait comme lui du désert, par une épreuve qui ne pouvait pas être contestée. D’ailleurs la tradition scripturaire donnait à comprendre que, pour le peuple, il venait de Dieu et il était élu puisqu’il avait survécu aux épreuves du désert.