ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




Béatrice refuse de saluer Dante :

excuses




Vita nuova XII

  Ballata, i’ voi che tu ritrovi Amore,
e con lui vade a Madonna davante,
si che la scusa mia, la qual tu cante,
ragioni poi con lei lo mio segnore.

  Tu vai, balata, sì cortesemente,
che sanza compagnia
dovresti avere in tutte parti ardire ;
ma se tu vuoli andar sicuramente,
retrova l’Amor pria,
ché forse non è bon sanza lui gire ;
però che quella che ti de audire,
com’io credo, è ver di me adirata :
se tu di lui non fossi accompagnata,
leggeramente ti faria disnore.

  Con dolze sono, quando se’ con lui,
comincia este parole,
appresso che averai chesta pietate :
« Madonna, quelli che mi manda a vui,
quandi vi piaccia, vole,
sed elli ha scusa, che la m’intendiate.
Amore è qui, che per vostra bieltate
lo face, come vol, vista cangiare :

dunque perché li fece altra guardare
pensatel voi, da che non mutò ’l core ».

  Dille : « Madonna, lo suo core è stato
con sì fermata fede,
che ’n voi servir l’ha ’mpronto onne
pensero :    
tosto fu vostro, e mai non s’è smagato ».
Sed ella non ti crede,
dì che domandi Amor, che sa lo vero :
ed a la fine falle umil preghero,
lo perdonare se le fosse a noia,
che mi comandi per messo ch’eo moia,
e vedrassi ubidir ben servidore.

  E dì a colui ch’è d’ogni pietà chiave,
avante che sdonnei,
che le saprà contar mia ragion bona :
« Per grazia de la mia nota soave
reman tu qui con lei,
e del tuo servo ciò che vuoi ragiona ;
e s’ella per tuo prego li perdona,
fa che li annunzi un bel sembiante pace ».
Gentil ballata mia, quando ti piace,
movi in quell punto che tu n’aggie onore.

  Trouve, ballade, Amour notre seigneur
Pour que devant ma dame te présentes
Et mon excuse que pour moi tu chantes
Soit bien raisonnée avec ardeur.

  Tu vas, ballade, si courtoisement,
Que n’ayant compagnie
Tu saurais en tous lieux et temps oser :
Mais si tu veux aller durement
Cherche la seigneurie
D’Amour : il n’est pas bon sans lui aller.
En effet celle qui doit t’écouter
Est contre moi, je crois, très indignée ;
Si tu n’étais par lui accompagnée
Elle pourrait te répondre sans honneur.

  D’un ton très doux et à côté de lui
Tu diras en retrait,
Après que tu auras cherché pitié :
« Madame, auprès de vous m’envoie celui
Qui veut, quand il vous plait,
Trouvant excuse être bien écouté.
Amour est là qui, par votre beauté,
Le fait bien comme il veut d’aspect
changer :  
S’il le fit autre femme regarder,
Vous savez bien qu’il n’a changé de cœur.

  Dis-lui : « Madame, son cœur a été
D’une foi si sincère
Qu’il a toujours pensé à vous servir :

Sitôt à vous, ne vous a pas quittée ».
Si elle ne croit guère,
Qu’appelle Amour, qui ne peut pas mentir.
Fais-lui une prière pour finir :
Si le pardon était inopportun
Que de mourir m’ordonne par quelqu’un
Et lui obéirai en serviteur.

  À celui qui de pitié tout cœur dote,
Avant de laisser cour
À lui qui sait bonne cause défendre,
Tu diras : « Grâce à ma suave note
Demeure avec elle, Amour,
De ton servant à ton plaisir raisonne ».
Et si par ta prière elle pardonne,
Fais que l’annonce d’un signe de paix.
Ô ballade gentille, quand il te plait
Agis en sorte qu’en reçoives honneur.


Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante
- L’errance amoureuse
- Les excuses à Béatrice
- Béatrice se moque
- Le conseil d’Amour
- Dante juge Béatrice
- L’espoir

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   Dante choisit le chemin douloureux de la pitié. Mais comment obtenir de la pitié de celle qui, jusqu’à ce moment, n’a cherché que sa mort ? D’ailleurs il ne pourrait pas se présenter devant elle comme repentant, puisqu’elle ne le recevrait pas. Il lui vient alors à l’esprit de composer une ballade, à laquelle il confiera la tâche de présenter ses excuses et de demander sa grâce.

   Le choix de cette forme poétique est approprié : entre sonnet et chanson, la ballade est suffisamment longue pour contenir ses excuses et peut être jouée et chantée sur le rythme d’une danse. Dante l’aurait probablement confiée à Casella, son musicien. Béatrice se serait-elle émue, en entendant chanter la plainte douloureuse de son amant sous ses fenêtres ? Probablement pas !

   Le poème a été composé avec une subtilité de sentiments surprenante. Béatrice lui avait fait savoir qu’elle le rejetait parce qu’il avait regardé une autre femme, la dame gentille. Or Dante, dans cette ballade, lui envoie justement cette autre, non en personne mais dans le rôle qu’elle a joué à ses yeux : ce n’était pas la maîtresse de Dante mais la femme qui, par son amour, cachait aux yeux du monde son secret d’amour, un voile que l’amant avait posé sur son visage pour le cacher aux regards indiscrets. Il faut lire avec quelle psychologie et quelle tendresse Dante s’adresse à la ballade, afin qu’elle se dispose à présenter ses excuses avec souplesse et tact, et en gardant les formes de la courtoisie.
   Très subtile aussi apparaît la façon dont Dante associe le rôle de la ballade à celui d’Amour, appelé à son secours pour donner à sa plaidoirie force de conviction et de sentiment ; et qui était Amour, sinon l’expérience d’amour que Béatrice gardait encore dans son cœur, l’élan qui l’avait convaincue de devenir sa dame ?
   Dante a dû s’apercevoir qu’en présentant ses excuses il ne pouvait pas obtenir une réponse de sa bien-aimée, car il ne se reconnaissait pas vraiment coupable. Pour l’émouvoir il ne fallait pas s’excuser, mais lui demander pardon et s’abandonner à sa pitié. Il le lui demande, mais indirectement, en lui faisant comprendre qu’il doute qu’elle lui pardonne. Mais pourquoi pense-t-il qu’elle sera longue à lui accorder pardon ? Peut-être parce qu’elle se sent en droit de l’accuser de ne pas avoir exécuté l’épreuve de l’aimer quoiqu’elle fasse montre de ne pas l’aimer : il ne s’était pas montré digne d’un véritable amant. Dante se présente alors comme un nouvel amant, prêt à exécuter toute épreuve qu’elle lui imposerait, y compris la mort.
   Et il laisse la ballade auprès d’elle, pour qu’elle attende avec patience la réponse.

   Dans l’ensemble, on constate que Dante cherche bien sûr leur réconciliation, mais surtout son honneur d’homme rejeté par sa dame et donc par les autres pour avoir transgressé les commandements de la courtoisie.



c 1977




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