ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




Béatrice refuse de saluer Dante :

moquerie




Vita nuova XIV

  Con l’altre donne mia vista gabbate,
e non pensate, donna, onde si mova

ch’io vi rassembri sì figura nova
quando riguardo la vostra beltate.


  Se lo saveste, non poria Pietate
tener più contra me l’usata prova,
ché Amor, quando sì presso a voi mi trova,
prende baldanza e tanta securtate,


  ché fere tra’ miei spiriti paurosi,
e quale ancide, e qual pinge di fore,
sì che solo remane a veder vui :

  ond’io mi cangio in figura d’altrui,
ma non sì ch’io non senta bene allore
li guai de li scacciati tormentosi.

  Avec des femmes vous me bernez, dame,
Sans rechercher d’où vient que je
chancelle  
Et prenne cette figure nouvelle
Quand je regarde vos beaux yeux en
flamme.  

  Pitié n’aurait jeté contre moi blâme
Si l’avait su, ni usé l’usuelle
Épreuve, car Amour en force excelle
Quand je suis devant vous, hardiment
clame  

  Et blesse en moi les esprits effarés
Ou pour tuer ou pour jeter dehors
Si bien qu’à vous mirer je m’aventure.

  C’est pourquoi en moi change la figure
Non tellement que je ne sente alors
Les graves peines des esprits chassés.


Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante
- L’errance amoureuse
- Les excuses à Béatrice
- Béatrice se moque
- Le conseil d’Amour
- Dante juge Béatrice
- L’espoir

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   Ce sonnet est adressé à Béatrice, pour se plaindre qu’elle se soit moquée de lui avec les autres femmes. L’accusation est portée dès le premier vers : sa dame s’est moqué de lui avec les autres femmes. Non seulement il l’accuse d’avoir manqué à son rôle de dame, mais aussi de s’être rangée à la condition commune des femmes : elle l’a déshonoré en l’exposant au mépris.

   Mais pourquoi cette farce a-t-elle abouti au mépris ? Ce n’est pas seulement pour s’amuser que Béatrice a voulu participer à cette farce, d’ailleurs c’était un gab et non une simple farce. Dante lui avait fait chanter la ballade pour lui demander pardon et se réconcilier avec elle, mais tout en demandant pardon il ne s’était pas reconnu coupable : il présentait des excuses dans l’intention de se blanchir, prétendant sans motif réel la rupture opérée par Béatrice. Celle-ci a voulu que Dante ait le courage de se déclarer non-coupable en la regardant dans les yeux, car elle était sure qu’il ne supporterait pas son regard.
   Et il en fut ainsi : quand Dante se trouva devant ces yeux, il baissa les siens, se mit à trembler et dut prendre un appui pour ne pas tomber. Ses yeux, frappés par le regard foudroyant de Béatrice, le démasquèrent et prouvèrent sa culpabilité. Peut-être que Béatrice ne savait rien des anciennes cours d’amour, mais qu’importe, elle était avec ses femmes pour un jugement d’amour. Et Dante fut condamné par l’éclat du rire des jeunes beautés devant un homme qui ne supportait pas leur regard ! Dante n’échappa à la pire dérision que parce que son ami l’entraîna au-dehors, et le poète dut sentir le rire de ces beautés comme des gouttes d’eau mêlées de neige.

   Revenu à lui Dante, toujours poète, répond à celle qui était, peu auparavant, sa très-gentille dame. Il n’ose pas l’accuser directement mais indirectement, en présentant la scène dont elle était acteur. Elle a été sans pitié, mais il l’excuse, dans la mesure où elle ne savait pas ce qu’il éprouve quand il est pris d’amour pour elle : si elle l’avait su, elle aurait eu pitié de lui. Mais comment ne le savait-elle pas ? Ne lui avait-elle pas imposé l’« épreuve usuelle » d’éloigner l’amant de son cœur, de le sevrer sans pitié ?
   Mais Dante renonce à la juger, car il sait qu’Amour, quand il est fort, peut rendre la femme hautaine et cruelle, et l’homme vil et impuissant ; il sait que la plus grande épreuve d’amour est d’aimer sans être aimé. Béatrice lui avait imposé cette épreuve par jeu, il avait lui aussi pris part à ce jeu, maintenant il découvre que l’épreuve n’est plus un jeu mais un tourment infernal.



c 1977




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