ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




De Nazareth au Jourdain :

la crise de vocation de Jésus



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard

De Nazareth au Jourdain
- Introduction
- Historicité
- Motivations
- Regard critique
- La crise de vocation
  . La crise
  . La censure
- Le baptême de Jésus
- Résumé

La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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La crise de vocation


   Si Jésus ne s’était rendu chez Jean que pour être baptisé, il serait sans doute rentré chez lui, une fois le baptême reçu. Le baptême en effet ne visait pas à appeler les gens à une vie ascétique, mais à une conversion morale en vue d’un ressourcement religieux selon l’esprit des origines. Or on constate que Jésus, au lieu de retourner dans son village sitôt baptisé, va au désert puis, quand il quitte ce lieu, ne rentre pas à la maison mais va à Capharnaüm, pour commencer une vie missionnaire d’évangélisation.
   Ce comportement montre qu’il ne s’était pas rendu auprès de Jean en pénitent. De même que son séjour dans le désert est indice manifeste d’une intention ascétique qui marque une rupture avec le monde, de même son départ pour Capharnaüm montre qu’il avait accompli la rupture de se séparer même de sa mère et de ses frères. Si on peut affirmer que Jésus avait répondu à l’appel lancé par Jean, sa conversion fut cependant plus profonde et radicale que celle des autres repentants : elle semble avoir la portée d’une vocation ascétique.

   Marc affirme que, pendant que Jésus était à Capharnaüm et avant qu’il se fût rendu à Nazareth pour y annoncer la parole, « les siens » – c’est-à-dire sa mère et ses frères – vinrent chez lui pour le saisir, parce qu’ils le croyaient fou (Mc 3:21). Or, puisqu’ils ne l’avaient pas vu depuis qu’il était parti pour le Jourdain, cette folie remontait à l’époque de son départ et semble coïncider avec les motivations mêmes de celui-ci. Pourquoi « les siens » l’auraient-ils cru fou s’il ne s’était rendu auprès de Jean que pour être baptisé ? Était-il le seul homme qui ait répondu à l’appel à la repentance de Jean ?
   Cette accusation, par contre, se comprend tout à fait si Jésus avait voulu s’y rendre poussé par une vocation ascétique, voire même prophétique, dans l’intention de quitter sa famille, son travail et ses relations sociales pour demeurer avec le Baptiste. Il s’agissait alors d’une vocation religieuse, et ce n’était pas la première ni la dernière fois que l’abandon de la famille et du monde pour suivre la voix de Dieu était considérée comme une folie. Mais le fait même que ses frères vinrent pour le capturer, au moment où sa renommée d’homme de Dieu se répandait dans toute la Galilée, montre qu’ils le croyaient fou justement parce qu’il se faisait prophète.

   Quant au séjour dans le désert, j’ai dit qu’il trahissait une intention ascétique. Mais dans le texte d’accusation, au contraire, il est présenté comme une excommunication plus que comme une simple expulsion. Pourquoi Jésus se serait-il senti tenu de rester dans ce lieu s’il n’y avait pas été obligé par un vœu ou par l’appartenance à la communauté des baptistes ? S’il avait été chassé, n’aurait-il pas pu retourner en Galilée, comme il en était venu ?
   Pour être excommunié, il fallait qu’il fasse partie de la congrégation des disciples de Jean, dès lors il faut conclure qu’il s’était rendu auprès du Baptiste pour devenir son disciple : l’appel du prophète aurait trouvé en lui un homme en crise de vocation.

   Que Jésus fût disciple de Jean semble confirmé, entre autres, par le fait qu’il ait osé administrer le baptême. S’il ne l’avait pas été, comment aurait-il osé se rendre dans le fief de Jean, au milieu de ses pèlerins et de ses adeptes, pour accomplir un rite qui caractérisait la mission prophétique du Baptiste ? Qu’était Jésus à ce moment-là face à Jean ? Était-il assez naïf pour ne pas comprendre qu’il lançait ainsi un défi au prophète et qu’il risquait non seulement d’être expulsé, mais d’être lapidé par la foule ?
   Étant disciple, son initiative devient par contre compréhensible. On peut penser en effet qu’après son propre baptême il avait été admis dans la congrégation des baptistes au rang des initiés, sans pour autant pouvoir baptiser lui-même. Son geste donne à penser qu’il a voulu brûler les étapes et se comporter come un ancien. Prétention de sa part ? Dévouement, afin de se mettre tout de suite au service du maître ? On le verra par la suite. Quoi qu’il en soit, son comportement montre qu’il était venu chez Jean non seulement pour être baptisé, mais pour devenir son disciple(1).

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(1) Ma conclusion coïncide avec celle de M. Goguel, qui affirme : « Jésus était, pendant une période dont il est malheureusement impossible d’apprécier la durée, même de manière très approximative, le disciple de Jean Baptiste », M. Goguel, Jean-Baptiste, Payot, Paris, 1928, pp. 236-241.   Retour au texte




1984




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