ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




La crise spirituelle de Jésus :

la rupture



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain

La crise spirituelle
- Introduction
- Le conditionnement
- Le code généalogique
- Le complexe du bâtard
- La crise de Jésus
- Jésus chez le Baptiste
- La rupture
- Résumé

La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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   Quoique Jésus n’ait pas choisi la voie de la révolte mais celle de la recherche de Dieu, il n’en demeure pas moins que sa décision de se rendre chez Jean impliquait une profonde rupture avec sa famille, son milieu et la tradition ambiante.

   Bâtard, il ne pouvait pas ne pas haïr cette société qui lui refusait le droit d’être une personne majeure et responsable. Cette haine était profonde, liée au refoulement de son instinct de vie. La sublimation religieuse, si elle mettait cette haine en veilleuse, la rendant inopérante, ne la supprimait pas pour autant ; au contraire, elle se concentrait au fond de la conscience, constituant une révolte en puissance.
   À partir ce cette haine l’abandon de la maison, tout en se voulant pacifique, comportait un rejet radical de l’institution familiale qui le niait comme personne.
   Ce rejet apparaîtra d’une façon évidente plus tard, surtout lorsqu’il énoncera les conditions nécessaires pour devenir son disciple : « si quelqu’un vient à moi et qu’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple » (Lc 14:26). Sans doute ce logion de Jésus est-il exprimé ici à la lumière d’un ascétisme chrétien déjà élaboré, mais les retouches de l’Église ne sont pas parvenues à lui enlever la puissance explosive d’un bouleversement éthique. Jésus ne fait ici que traduire en modèle éthique de l’homme nouveau la situation du bâtard, de cet individu sans père ni mère, sans femme ni enfants, sans frères ni sœurs. Au fond, c’est le bâtard qu’il offre aux hommes comme modèle d’homme. La haine contre l’institution familiale parvient ici à sa sublimation suprême par la destruction de la famille.

   La haine contre la culture traditionnelle dominante se manifeste elle aussi tout au long de l’enseignement et de l’action de Jésus, elle est confirmée par celle dont le paient en retour les milieux intellectuels organiques des scribes, des pharisiens et des sadducéens.
   La religion, elle non plus, n’échappe pas à cette haine, puisqu’elle constitue le support qui légitime et rend opératoire le code généalogique. En quittant sa famille et son milieu, Jésus manifestait donc aussi le refus de la religion historique de sa génération. Certes, il s’était rendu dans la congrégation des baptistes en quête de Dieu, mais qui était ce Dieu ? Étant donné qu’il le recherchait par-delà la génération des fils d’Israël, n’était-il pas un Dieu autre que celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ?

   Cette rupture du départ de Jésus ne fut pas anodine pour la famille qui l’avait hébergé. Celle-ci, n’étant pas sa famille naturelle ni, à proprement parler, une famille adoptive, était liée à lui moins par affectivité que par intérêt, quoique la cohabitation et le partage de vie aient certainement créé des relations de solidarité. Son départ entraînait une perte de gain nécessaire à leur subsistance, d’où la réaction de sa mère et de ses frères pour l’empêcher de partir, comme on peut légitimement le déduire du fait qu’ils se soient rendus peu après chez lui, avec l’intention de le saisir pour le ramener à la maison. Comme je l’ai déjà souligné, ce comportement est tout à fait opposé à celui qu’avaient d’ordinaire les frères à l’égard du frère illégitime, qu’ils cherchaient toujours à chasser pour l’empêcher de participer à l’héritage. L’attitude des frères de Jésus est plutôt celle des maîtres vis-à-vis de leurs esclaves. Pour eux, la décision de Jésus de partir chez Jean fut considérée comme une dérobade à ses propres responsabilités envers la famille.
   On doit ajouter aussi que les motivations profondes de ce départ leur semblèrent aussi incompréhensibles qu’injustifiables, si éloignées du bon sens qu’ils le crurent atteint de folie. Si l’on tient compte du code généalogique qui était à la base de leurs convictions éthiques et religieuses, leur attitude est compréhensible : pouvaient-ils considérer comme raisonnable qu’un bâtard ait cru pouvoir être purifié de sa souillure au point d’être assimilé aux enfants légitimes, alors que l’ordre établi par Dieu le rangeait inéluctablement parmi les pécheurs ? À leurs yeux, Jésus était victime d’une illusion qui n’était pas loin de l’obsession démoniaque. Dans ce cas, Jésus ne pouvait plus que fuir, et sa fuite confirma à ses frères qu’il était vraiment fou.



1984




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