Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
- Introduction
- Tableau des textes
- Cohérence du discours
- Doutes sur l’attribution
- Attribution à Jésus
- Les logia du discours
- Vérification
. Discours et christologie
. Discours et judaïsme
- Résumé
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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L’opposition du discours avec la christologie de l’Église
Une objection surgit ici : comment ce discours peut-il être en contradiction avec la catéchèse de l’Église si celle-ci, par l’intermédiaire de Matthieu, a employé ses énoncés comme logia de Jésus ? Il ne faut cependant pas oublier que cet emploi impliquait une censure puisque les énoncés, retirés de leurs discours, perdaient leur sens et devenaient ainsi des propositions fluctuantes destinées à assumer le sens des contextes dans lesquelles elles avaient été insérées.
La contradiction de ce discours avec la catéchèse de l’Église apparaît dans tous ses thèmes. Il faut cependant considérer le message christologique des évangiles tant dans la cohérence maximale de ses énoncés que dans les énoncés eux-mêmes.
Pour ce qui est du thème de la paternité d’Abraham, le discours ne la reconnaît que de façon spirituelle, puisqu’il condamne la génération d’Abraham comme étant adultère et maudite. Dieu ne semble octroyer à Abraham les nations promises et bénites que par la malédiction de ses enfants selon la chair. Cette thèse allait à l’encontre de la continuité qui existait entre le judaïsme et le christianisme, non seulement selon l’Église de Jérusalem, mais aussi selon Paul. Car si l’apôtre s’était élevé contre la catéchèse selon laquelle l’appartenance au judaïsme était une condition sine qua non du salut, il n’en reconnaissait pas moins à la loi mosaïque un véritable rôle de pédagogue préparant à l’évangile : pour lui, le juif jouissait d’une primauté sur le païen.
Le jugement réapparaît dans le message du Christ, mais plutôt à l’encontre des pécheurs qui s’opposaient à la foi que de ceux qui transgressaient les œuvres de justice. Celles-ci, alors qu’elles sont l’unique moyen de salut proposé par le discours, apparaissent dans le message plutôt comme un effet que comme une condition du salut par la foi. L’évangile est un message de bénédiction et de salut par-delà la justice, et non de jugement.
Le baptême d’eau, lui, est considéré dans le discours comme opposé à celui de feu, tandis que dans le message il lui demeure subordonné. En effet le baptême d’Esprit (de feu) annoncé par le ressuscité et pratiqué par l’Église n’abolit pas le baptême d’eau, mais l’incorpore et le complète.
Enfin, le rassemblement des hommes pour le jugement final s’opère dans le message autour de la personne du Christ, alors que dans le discours c’est autour de Dieu lui-même : le discours ne reconnaît pas de médiateur.
Étant en contradiction avec le message christologique de Jésus, le discours ne pourrait pas ne pas s’opposer aussi à sa personne messianique. Ceux qui prononcent ces deux messages ne sont pas la même personne, bien qu’il s’agisse du même Jésus : l’auteur du discours est Jésus-prophète, alors que celui des paroles qui constituent le message de salut est Jésus-Christ. Dans le premier cas, Jésus est un messager de Dieu, dans le second un médiateur entre Dieu et les hommes. Là il parle pour juger le pécheur, ici pour le sauver : dans le discours, il appelle chacun à se sauver lui-même par la pratique de la justice, dans le message, par contre, il les sauve lui-même par sa parole et par sa mort.
L’Église avait compris la relation entre Jésus et le Baptiste à la lumière de l’accomplissement messianique : le Baptiste était le prophète que Dieu envoyait au monde pour qu’il rende témoignage au messianisme du Christ et lui ouvre le chemin. Tout en restant subordonnée à Jésus, la personnalité prophétique de Jean était élevée au-dessus de celle des autres prophètes : il est le prophète de l’accomplissement, une espèce d’incarnation d’Élie qui vient à la fin des temps.
Dans le discours, par contre, il est situé tout à fait en-deçà de l’événement messianique : il ne peut pas être un précurseur, puisqu’il annonce un baptême d’eau et non de feu, son rôle est équivoque et ne dépasse pas les limites des ablutions rituelles.
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