Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
- Introduction
- Le récit de Daniel 4
- Jésus et Nabuchodonosor
- De Jésus à Daniel
. Introduction
. L’image de l'arbre
. Les rejetons
. À la lumière de Daniel
. Synoptique
- De Daniel à l’accusation
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Les rejetons
Ce jugement laisse entrevoir, dans le silence du texte, qu’après que ces arbres auront été coupés et jetés au feu, d’autres arbres pourront pousser de la même souche. Jésus affirme que Dieu suscitera des enfants à Abraham, même à partir de pierres, c’est-à-dire d’une génération devenue stérile. Cette image des pierres ajoutée à celle des arbres fait penser que Dieu fera pousser de nouveaux arbres, après avoir abattu ceux du judaïsme traditionnel. Le jugement ne détruit donc que pour apporter une vie totalement nouvelle au peuple d’Israël.
L’image de l’arbre est aussi utilisée dans le message prophétique d’Ézéchiel, message dans le prolongement duquel Jean avait inscrit son baptême. Je soulignerai ici deux passages d’une grande importance.
Dans le chapitre sur la purification finale que le peuple recevra par l’eau vive qui sourd du temple, le prophète décrit la nouvelle naissance du peuple par l’image du verger : « Au bord du torrent, sur chacune de ses rives, croîtront toutes sortes d’arbres fruitiers, dont le feuillage ne flétrira pas et dont les fruits ne cesseront pas » (Éz 47:12). En inscrivant son baptême dans le cadre de cette vision, Jean avait-il conçu le Jourdain à l’image de ce torrent qui vient du temple et qui transforme le désert en verger ? Dans ce cas, Jésus ne se serait pas opposé à la perspective de la purification, mais en aurait seulement changé le mode, puisque pour lui elle ne s’accomplissait plus par l’eau mais par le feu, qui détruit les vieux arbres pour en laisser pousser de nouveaux.
On retrouve l’image de l’arbre dans Éz 17, pour exprimer le rétablissement d’Israël après la déportation, rétablissement dont la description demeure eschatologique. Israël est l’arbre que Dieu a planté sur la montagne de Sion, à partir d’un rameau qui poussait sur la plus haute branche d’un grand cèdre. Ce cèdre était le peuple que Nabuchodonosor avait déporté à Babylone. Ainsi transformé, ce petit rameau « poussera des branches, produira des fruits et deviendra un cèdre magnifique », au point que tous les oiseaux reposeront à l’ombre de ses branches (Éz 17:23).
Dans ces deux textes, le renouveau d’Israël est fondamentalement le même, mais dans l’un il est exprimé par l’image de plusieurs arbres, et dans l’autre par celle d’un seul, le cèdre.
Que Jésus ait fait sienne cette deuxième image d’Ézéchiel apparaît, non seulement de façon implicite à partir de ces références prophétiques, mais aussi dans une de ses paraboles, où il décrit la croissance du royaume des cieux : le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qui, tout en étant la plus petite des semences, devient en poussant un arbre tel que les oiseaux viennent s’abriter dans ses branches (Mc 4:30-32 ; Mt 13:31-32 ; Lc 13:18-19). Malgré les différences, l’analogie entre les deux récits est frappante : on y retrouve en effet la même opposition entre le petit et le grand, entre le rameau, la semence et l’arbre dont les branches servent d’abri aux oiseaux du ciel.
La suite de ces considérations nous autorise à conclure que, selon la cohérence du récit, le symbole des arbres coupés englobe aussi celui de l’arbre dans sa croissance. Au niveau des faits, le discours de Jésus n’était pas en contradiction avec la perspective de purification d’Ézéchiel, mais visait au contraire à l’accomplir, quoique par des moyens contraires à ceux envisagés dans la prédication de Jean. Alors que celui-ci attendait cette purification comme une grâce, accordée à la suite du baptême de repentance, Jésus la concevait comme une transformation radicale, qui aurait changé le cœur des hommes aussi bien que les institutions. On pouvait ainsi espérer le rétablissement d’Israël à partir du baptême de feu annoncé par Jésus, et non plus à partir du baptême d’eau prêché par Jean.
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