ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




I- Regard critique sur les évangiles




7- L’arrestation de Jésus



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES
- L’annonce de la trahison
- Le contexte historique
- Les fêtes de la Pâque
- Gethsémani
- Le récit de la trahison
- La trahison simulée
- L’arrestation de Jésus
  - Enchaînement des
     narrations
  - Apories et censure
    . La fuite honteuse
    . Errances et fuites
  - La déception de Judas
- Troisième rencontre
- Jésus, entre prophétie et
   politique

- La mort de Judas

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS

ÉPILOGUE

ANNEXES


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

Le fait sous les apories et la censure des récits


   Puisque la contradiction à l’intérieur du récit réside dans l’intention des auteurs d’interpréter le fait grâce au modèle du Christ des Écritures, il faut renoncer à prendre ce modèle de référence pour établir les faits en reconstituant le « Jésus historique », pour en préciser les contours à partir de l’analyse référentielle.

   Nous savons que ce Jésus s’est rendu à Gethsémani pour attendre « les Grecs » et partir avec eux à l’étranger. Ne pensant pas que les grands-pontifes avaient déjà dressé leur plan pour l’arrêter, il avait envoyé Judas, son compagnon, les détourner de leur projet. Malgré tout, il s’était préparé à s’enfuir dans le désert. Effectivement, les grands-prêtres vinrent l’arrêter et il ne s’est pas enfui. D’où la question énoncée au début de ce chapitre : Jésus a-t-il été empêché de s’enfuir, ou bien y a-t-il renoncé ? Et pourquoi ?
   Dans les deux premiers synoptiques, les envoyés des grands-prêtres saisirent Jésus dès que Judas l’eut trahi. Jésus n’aurait pas pu fuir. Mais d’après Luc, à l’arrivée de Judas, les gardiens étaient encore si éloignés de Jésus que les disciples purent prévoir une défense, à laquelle Jésus consentit. L’attitude de Jésus fut donc cohérente : trahi par les Grecs et sur le point d’être pris, il chercha à s’enfuir dans le désert.
   Mais qui avait pris la décision de le défendre ? Le texte précise « ceux qui étaient dans son entourage » (Lc 22:49). On pourrait penser que ce furent les disciples de Jésus, s’il n’y avait eu probablement aussi quelques-uns de ses amis, ceux qui lui avaient offert le refuge et les moyens de célébrer la Pâque sans être surpris. De toute façon, dans son entourage il y avait Judas, son malheureux « compagnon ». Sa présence nous laisse croire que ce fut lui, précisément, et non les disciples, qui organisa la résistance. Déçus et scandalisés par l’échec subi par Jésus lors de la purification du Temple, les disciples étaient devenus craintifs et méfiants. Devant tout ce monde venu arrêter Jésus, ils furent saisis par l’envie de fuir, craignant d’être, eux aussi, arrêtés et emprisonnés.

   Judas n’éprouva pas cette peur, car aux yeux des assaillants il était bien le traître. Pour les apôtres, au contraire, il était, avec Jésus, le plus impliqué dans cette affaire. Venu à Gethsémani pour permettre à Jésus de s’enfuir, on peut penser que l’occasion lui étant offerte, il ait persuadé ses frères de résister. D’ailleurs, armés, il aurait été plus facile de s’enfuir. On imagine le scénario suivant :
   Les assaillants étant encore hors de l’endroit où se trouvent Jésus et les disciples, Judas ordonne aux gens de l’entourage de se saisir des épées et des bâtons pour leur faire obstacle, afin de donner à Jésus le temps de s’enfuir. Craintivement, quelques-uns demandent à Jésus s’ils peuvent employer les épées, mais il ne répond pas et laisse faire. En tout état de cause, considérant le trouble de leur situation, il leur avait déjà ordonné de les porter pour se défendre, et ils ne pouvaient d’ailleurs pas attendre, car il fallait faire vite et par surprise.
   L’échauffourée se produit, tandis que Judas disparaît, pour ne pas être aperçu par les gens du souverain-sacrificateur. Sinon, il n’aurait pas pu échapper aux coups de leurs épées.

   Jésus aurait pu s’enfuir, après que les disciples aient repoussé les assaillants, lui laissant le champ libre. Mais, tourmenté par un doute venu du plus profond de sa conscience, il demeurait sur place. S’enfuir, à quoi bon ? Désormais, qui au monde aurait été disposé à l’accueillir ? Et il n’avait plus de message à proclamer. Il se souvenait s’être déclaré plus errant qu’un renard dans le désert, n’ayant pas même un terrier pour s’abriter (Mt 8:20).
   Ainsi, absorbé en lui-même, il restait cloué au sol. Mais quand il s’aperçut que l’un de ses disciples avait emporté d’un coup d’épée l’oreille d’un serviteur du souverain pontife, il eut un frémissement d’horreur. Le sang coulait dans la mêlée ! Du sang versé pour permettre sa fuite ! Alors, s’adressant à tous, « Laissez ! Arrêtez de suite ! » cria-t-il (Lc 22:51). Et il s’avança d’un pas assuré vers les gardiens, qui baissèrent leurs armes, tandis que ses disciples, restés en retrait, purent déguerpir. Quelle honte Jésus dut-il éprouver d’avoir consenti que du sang coule pour cette fuite !



juillet 1987




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