ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
![]() |
![]() |
![]() |
||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Ennio FlorisJudas |
I- Regard critique sur les évangiles |
8- La troisième rencontre de Judas avec les sacrificateurs |
PROLOGUE INTRODUCTION REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES - L’annonce de la trahison - Le contexte historique - Les fêtes de la Pâque - Gethsémani - Le récit de la trahison - La trahison simulée - L’arrestation de Jésus - Troisième rencontre - Sens exégétique - Apories du récit - Recherche de la référence - Reconstitution de la rencontre - Pierre et Judas - Jésus, entre prophétie et politique - La mort de Judas DU JUDAS DE L’HISTOIRE AU JUDAS DES RÉCITS ÉPILOGUE ANNEXES . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Pierre et JudasTous les évangélistes rapportent le reniement de Pierre, qu’ils situent au même moment que le concile du Sanhédrin dans la maison du grand-pontife, en sorte que les deux épisodes interfèrent. Matthieu y ajoute cependant la narration de la rencontre de Judas avec les grands-prêtres et de la restitution de l’argent de la trahison. Après Gethsémani, Pierre et Judas se retrouvent ensemble, au moment où Jésus, enchaîné, est conduit chez le procurateur romain pour être condamné à la mort dont le Sanhédrin l’a estimé passible. Pierre et Judas ne se rencontrent pas, mais le fait de leur proximité à ce moment-là a un impact dans le récit comme dans la réalité. Il vient d’être affirmé que le récit de Matthieu à propos de Judas est le remaniement d’un récit théologique où Judas, à l’exemple du prophète Zacharie, jette les trente sicles d’argent dans le Temple, pour annoncer une nouvelle création du peuple. Le remaniement s’est opéré par une censure qui présuppose la trahison de Judas. Représenté comme un traître pris par le repentir, il rapporte aux sacrificateurs l’argent qu’ils lui avaient donné pour sa trahison. Mais, ne recevant pas le pardon espéré, il se suicide. Curieusement, cette interprétation du fait donne à Matthieu l’occasion de mettre Judas et Pierre en confrontation, pour atténuer la gravité du reniement de celui-ci. Tous deux sont des pécheurs repentis : Pierre, disciple reniant Jésus par lâcheté, Judas par trahison. Le péché de Pierre apparaît sans commune mesure avec celui de Judas. Tous deux se repentent : Pierre « pleure », confus de sa faiblesse et lié affectivement à Jésus. Judas ne s’émeut pas parce que son péché ne connait pas le pardon. Il n’a qu’une issue : le suicide. Quant à la réalité du fait qui réunit Pierre et Judas à ce moment-là, ils se trouvent confrontés de manière inverse. Pierre n’est pas un pécheur repenti, mais un lâche qui renie son maître par peur, tout en regrettant son reniement. Il est sans repentance, sinon à la vue de Jésus et, surtout, au regard que Jésus porte sur lui (Lc 22:61). S’il avait été vraiment repenti, il aurait dû avouer aux deux servantes qu’il avait menti et qu’il était le disciple de « cet homme-là », prêt à en partager le sort. Judas n’est pas non plus un pécheur repenti, pour autant ce n’est pas un lâche. Il n’a pas péché contre son maître, il a commis l’erreur de l’aider en simulant une délation. Il assume la responsabilité de son erreur et se rend auprès de ceux à qui il s’était présenté comme un traître pour être témoin, au risque de sa vie, de l’innocence de Jésus. Il ne ressent pas le besoin de pleurer, comme Pierre, car il ne cherche pas à émouvoir les responsables de Dieu pour arracher leur pardon. Il assume et se donne à lui-même la peine qu’il mérite. Deux types d’hommes, dont l’un s’estime victime d’un péché qui le domine et auquel il ne peut pas résister, et l’autre qui estime qu’il lui revient d’être son propre sauveur, parce qu’il a été responsable de son péché. Peut-être, l’un était-il dans la situation de l’attente d’un Christ, l’autre en attente d’un pardon qui ne pouvait venir que de l’acceptation de la pleine responsabilité de son erreur. Mais sans doute convient-il de délaisser ces considérations moralisantes et de juger les deux hommes dans le contexte du drame qui est le tragique de l’existence de Jésus, dont ils sont à la fois victimes et acteurs. Par des rôles différents, ils ont suivi un maître qui les avait conduits à s’engager, à accomplir un destin où la politique sacrifie le prophète, et où la prophétie tue le politique. Comment l’existence de Jésus a-t-elle pu aboutir à un tragique aussi implacable ? |
|
t617500 : 05/12/2017