ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





Tourcoing (1960-1967) :
une Église qui veut vivre


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing
- Introduction
- Le protestantisme à
  Tourcoing
- Communauté vivante
  . Introduction
  . Les journées paroissiales
  . Les fêtes de l’Église
  . Les jeunes ménages
  . Les jeunes
- Sensibilisations
- Parole d’utopie
- L’impasse
- Recherche de structures
   nouvelles
- Expériences nouvelles
- Vers la crise

La crise

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Les jeunes


   Depuis de nombreux mois, les jeunes protestants de Tourcoing n’avaient plus d’activités propres. Pendant le ministère du pasteur Robert Chéradame, qui avait une vision très centralisée et autoritaire de l’Église, la jeunesse avait été particulièrement encadrée idéologiquement.

   À notre arrivée, en septembre 1960, nous nous sommes attachés à rassembler les quelques adolescents de la paroisse, dans l’intention de leur permettre de s’épanouir dans la liberté et de s’ouvrir aux autres.
   Un Club de garçons et de filles de quinze à dix-huit ans se forma spontanément et chercha sa voie au cours des deux années suivantes à partir de divers centres d’intérêt, sous l’impulsion de Jacques Éon et de sa femme, directeurs du Foyer de jeunes travailleurs « Le Gîte ». Ainsi les jeunes préparèrent activement la fête de Noël de la paroisse en 1960, transformant pour l’occasion le temple en salle de spectacle.
   Également, des contacts furent noués avec les jeunes travailleurs du Foyer. Au moment de l’assemblée générale de la communauté (la première depuis notre arrivée), le vingt-six février 1961, un autre couple jeune, les D’Hem, proposa de seconder Jacques Éon, accaparé par ses fonctions de directeur du « Gîte », et de jouer les conseillers du Club de jeunes.

   En mai 1961, des liens s’établirent avec les jeunes protestants de Lens et le pasteur Roger Nicol, alors en charge de cette paroisse du bassin minier. Le sept mai, les jeunes de Lens accueillirent ceux de Tourcoing pour une journée de détente et d’échange sur l’Église : « Que pensent les jeunes de l’Église en 1961 ? » On ne ménagea guère la pratique courante du culte traditionnel : « Il faudrait faire quelque chose qui puisse nous aider à repenser le culte. Les jeunes pensent que la liturgie qui se répète, même si elle se renouvelle chaque dimanche, perd sa saveur. Les fidèles sont passifs, ils viennent au culte et repartent sans que rien ne soit changé » peut-on lire dans la relation qui fut faite de cette journée par les jeunes eux-mêmes.
   Des souhaits y furent exprimés (que nous tenterons, quelques mois plus tard, de reprendre en partie et de mettre en forme avec l’assentiment de l’ensemble de la communauté) : une participation plus active des fidèles à la liturgie et même à la prédication, ainsi qu’un besoin de dialogue dans le culte. « Qu’une discussion puisse avoir lieu pendant le culte, poursuit le compte-rendu, le pasteur descendrait de la chaire pour répondre aux questions de l’assemblée… que le culte puisse être préparé par une équipe le samedi soir ».
   Le lundi de Pentecôte qui suivit, le vingt-deux mai, les jeunes de Tourcoing recevaient à leur tour ceux de Lens au terrain de jeux de Mouvaux, propriété de la paroisse. Les jeux et la bonne humeur furent largement au rendez-vous, avant un nouvel échange sur le « service chrétien ». Cette fois encore, la lucidité et l’esprit critique ne firent pas défaut à chacun. « Jésus-Christ nous a fait témoins de sa parole, et le culte et les activités de l’Église ne répondent pas à l’ordre de Jésus » peut-on lire encore dans la relation qui fut faite de cette nouvelle journée, et elle poursuivait : « Aime ton frère ! Cet ordre se limite-t-il à des gens de même race et de même pays ? Certes non ! Cependant, combien de fois avons-nous vu un Français refuser à un étranger un abri ou de la nourriture, ou expédier un clochard sous prétexte qu’il est un « bon à rien » ! Nous avons aussi entendu dire à un Algérien « débrouille-toi, nous n’avons rien à voir avec toi » ! alors qu’un chrétien devrait penser et agir ainsi : « tu es Algérien, tu dois avoir beaucoup de difficultés à surmonter, aussi je vais t’aider » ».
   Les réactions de ces jeunes nous allaient droit au cœur, car elles étaient spontanées et n’avaient pas été influencées par les animateurs de la rencontre. Elles nous encourageaient à ne pas désespérer de l’avenir de ces jeunes et de la petite communauté de Tourcoing. Et cependant, quelle fragilité cet avenir allait-il nous révéler !

   Le vingt-quatre juin suivant, ce groupe d’adolescents manifesta son dynamisme dans la part active qu’il prit dans la fête de l’Église où fut montée et présentée la pièce La barque sans pêcheur d’Alejandro Casona, qui devait connaître un certain succès à Tourcoing et dans le bassin minier.

   Puis, en octobre 1961, le Club de Tourcoing prit l’initiative de rencontres nouvelles avec des jeunes des paroisses de Roubaix et de Calais. En ce temps, une jeune enseignante récemment nommée au collège de Tourcoing, Mademoiselle Roux, avait enrichi pour quelques mois l’équipe d’animation du Club.

   Dès le début, nous avions caressé le projet de redonner vie à une troupe d’éclaireurs unionistes et à une compagnie d’éclaireuses. Mais les cadres manquaient alors. Un appel fut lancé, et la réponse arriva bientôt après de quatre des jeunes du Club.
   À partir de novembre 1961 deux garçons, Claude Robert et Guy Parmentier, se proposèrent pour animer un embryon de troupe de sept scouts unionistes, et leurs deux sœurs, Chantal Robert et Andrée Parmentier, en firent autant pour la responsabilité d’une compagnie de neuf éclaireuses unionistes. Des locaux furent aménagés par les jeunes du Club et quelques adultes dans les vieux bâtiments de la Fraternité de la rue de la Malcense.

   Désormais, la jeunesse protestante de Tourcoing se trouvait prise en main par une équipe de cinq jeunes adultes et quatre adolescents. L’année 1962 fut riche en événements pour cette jeunesse rassemblée.
   À Pâques, des camps furent organisés pour les éclaireuses au Meux, près de Compiègne, dans une propriété de la paroisse de Fives, et les éclaireurs participèrent à un camp provincial EU à Laniscourt, dans l’Aisne. Quant aux autres adolescents, le Petit-Château du Nouvion, dans l’Aisne, les accueillit autour du thème d’une chanson célèbre d’Yves Montand : « J’aime flâner sur les grands boulevards, y a tant de choses à voir » !
   En été, du douze au vingt-sept juillet, les éclaireuses partirent camper en Suisse, à Eaubonne. Auparavant, le trois juin, avait eu lieu la fête de la jeunesse, dont nous avons parlé précédemment et qui avait laissé aussi d’heureux souvenirs.

   1963 fut, par contre, une année néfaste pour les groupes de jeunesse. Trois départs de responsables pour d’autres régions de France déstabilisèrent l’équipe d’animation : le couple D’Hem pour Rennes, et Mademoiselle Roux pour la coopération en Afrique. Quelques mois plus tard, en 1964, le jeune couple des Nambot devait aussi rejoindre Paris et nous priver de son dynamisme.
   Les groupes scouts connurent aussi une grave crise. Gagnées par un certain découragement, les éclaireuses virent leur effectif, déjà limité, réduit à trois ! De son côté, la petite troupe d’éclaireurs se disloqua à la suite de la grosse bourde de l’un de ses deux chefs, qui eut la mauvaise idée de dérober une voiture en ville.

   L’année 1964 et le début de celle de 1965 virent les dernières tentatives pour ranimer ce qui restait du Club d’adolescents : une ouverture vers les jeunes de la paroisse de Lille, qui se manifesta par des invitations en janvier et février 1964, d’abord à un culte de jeunes commun aux deux groupes, qui avait été préparé par une étude biblique, puis à une soirée libre autour d’une fondue. Également, au cours de cette période, nos jeunes participèrent à des rencontres de jeunesse : en février 1964, ce fut à un congrès régional à Reims, organisé pour le nord et l’est de la France sur le thème « Ouvriers avec Dieu dans un monde au travail », puis, en avril 1965, ils se rendirent à un congrès international à Berchum, en République fédérale allemande.
   Enfin, le Club eut des activités propres : l’essai vite avorté d’un groupe de marionnettistes, qui ne vécut qu’un trimestre en fin d’année 1964 jusqu’au départ de Tourcoing de la jeune animatrice de ce groupe ; puis, en mai 1965, exploitant un questionnaire rédigé par leurs soins et intitulé « Quand un jeune vient à penser et à se poser des questions », ces jeunes adolescents tentèrent d’ouvrir un dialogue avec d’autres jeunes de Tourcoing qui se réunissaient à la Maison des jeunes de la ville, ainsi qu’avec les jeunes travailleurs pensionnaires du Foyer « Le Gîte » à Roubaix. Chaque fois, on prenait un repas ensemble, puis on échangeait ses opinions sur le travail, les loisirs, les relations entre jeunes et adultes, l’amour, la joie de vivre, et même la foi… Malheureusement ces contacts communautaires n’eurent pas de suite, du moins de suite organisée.

   À partir de cette date, les jeunes de Tourcoing n’eurent plus d’activité autonome. Ils s’intégrèrent à la vie commune de la paroisse, du moins pour ceux qui en eurent le désir !

   Pour terminer, un mot de l’enseignement religieux au cours de ces quatre années. De 1961 à 1964, quatorze catéchumènes, dont huit filles et six garçons, furent reçus dans l’Église. Mais sept d’entre eux quittèrent définitivement Tourcoing peu après leur confirmation, et les sept autres ne manifestèrent par la suite qu’un médiocre intérêt pour la vie de la communauté protestante tourquennoise…



1992




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tc432400 : 20/07/2019