ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
![]() |
![]() |
![]() |
||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Ennio FlorisLes poèmes d’amour
|
Introduction :la forme |
Sommaire Avertissement au lecteur Capoversi Premiers vers Introduction - Une œuvre méconnue - L’esthétique - La forme . La forme parfaite . Poésie et expérience d’amour . Le sonnet introductif - La traduction Aux fidèles d’Amour Les soixante belles de Florence Béatrice, dame du secret d’Amour La dame gentille Béatrice refuse de saluer Dante De l’amour à la louange Lamentations sur la maladie de Béatrice Mort et glorification La dame gentille La Pargoletta Le refus de la dame gentille La dame-pierre . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Poésie et expérience d’amourOn peut légitimement affirmer qu’on peut comprendre un poème par lui-même, sans avoir besoin d’être informé sur les circonstances de sa genèse dans l’esprit du poète. La poésie est dans le poème précisément pour n’exister que dans le lecteur, dans la mesure où elle serait saisie par son intuition : l’art est ouvert. Mais on ne peut nier qu’elle a pu être exprimée dans ce poème, sous cette forme concrète, dans la mesure où elle était portée par l’intuition du poète ; le poème est donc entre l’intuition du poète et celle du lecteur. S’il est vrai qu’on peut se passer de cette intuition pour s’abandonner à ce qu’un poème suscite dans l’esprit, il n’en reste pas moins que le poème reste en relation avec l’intuition originale, dont il de détache mais dont il porte le signe. Pour connaître un poème dans sa relation à cette source originaire, il est donc nécessaire de pénétrer le moment, les circonstances, les états d’âme, dans lesquels il est né comme intuition. Je laisserai donc le lecteur s’abandonner librement à la lecture de cette lyrique, sans se soucier du temps, des états d’âme du poète, des regards de femmes qui traversent son âme avant de naître comme poésie, si mon souci ne se portait aussi, et peut-être d’une façon fondamentale, sur le poète. Je laisse donc le lecteur libre quant au passage de la parole à l’intuition poétique dans son esprit, mais je l’aide à entrer dans la compréhension de l’impact que ce poème a eu dans le poète, dans sa genèse comme poésie, en cherchant à pénétrer le passage de son esprit de l’expérience amoureuse à l’intuition poétique. Comment connaître les circonstances réelles, aussi bien historiques que psychologiques, de la genèse de ces poèmes ? Deux possibilités s’offrent seulement, les poèmes par eux-mêmes, et le commentaire que Dante nous donne de plusieurs d’entre eux dans l’intention de nous en faire connaître la genèse, soit dans la Vita nuova pour les poèmes sur Béatrice, soit dans le Convivio pour ceux sur la Donna gentille. Les poèmes en eux-mêmes restent sourds à nos interrogations, en raison précisément du code poétique. Comme nous l’avons dit, le code de l’approche poétique de l’expérience d’amour met cette expérience en recul, la formalisant comme un signe pour l’exprimer dans son signifié selon la vision poétique de la beauté. La femme réelle, par exemple, disparaît, ainsi que son comportement, pour devenir une apparition de la femme aux attitudes et réactions codées. De même pour la réaction de l’amoureux touché par le regard de la femme. Quant aux gloses que Dante ajoute à quelques poèmes de la Vita nuova et du Convivio, elles sont fort ambigües, car elles apparaissent moins comme des informations historiques que comme la trame d’un récit à caractère romanesque. En effet, tous ceux qui suivent Dante dans l’espoir d’y trouver une biographie tombent dans l’imagination, en trouvant par exemple que Béatrice serait un ange ou une sainte plutôt qu’une jeune-fille. Mais si on considère ces récits comme du pur roman, on se trompe aussi, car en d’autres endroits ils rapportent l’histoire. Pour s’en convaincre, il suffit de suivre la critique historique des Rime. On voit les auteurs chercher le référent comme de l’or dans chaque poème, soit pour identifier la dame, soit pour trouver les signes d’une véritable passion amoureuse. Qui est cette dame « à moi », qui semble si gentille et si honnête dans sa démarche ? Sans doute Béatrice. Mais est-ce bien Béatrice ? Une jeune-fille, ou une allégorie, ou un fantasme d’amour sublimé ? Le poète chante les regards fugitifs de Violette, ou la couleur de Fleurette, ou le regard hautain et distant de la Pargoletta, mais qui sont ces dames ? Des femmes réelles, ou des personnifications des attitudes féminines, des aspects vus par le poète comme par quiconque dans la fièvre du désir ? Mais les gloses de Dante présentent quelquefois des connotations, la poésie elle-même semble donner des images différentes et se rapporter à des moments réels, mais en demeurant équivoque, autorisant l’un à dire ce que l’autre nie avec autant d’autorité. Il manque à la critique un critère général. Recherchant depuis longtemps ce critère, surtout par la lecture de la Vita nuova, je me suis aperçu que dans cette œuvre, malgré le propos de l’auteur, le sens des poèmes ne correspond pas à celui de leurs commentaires en prose. Ceux-ci, sans modifier la poésie, l’insèrent dans un contexte correspondant à une vision courtoise de la relation d’amour entre Dante et Béatrice. Ce n’est pas que le poète invente totalement les faits, mais qu’il les formalise en des signes afin d’interpréter son expérience amoureuse selon l’idéal de l’amour courtois, et le lecteur lit les poèmes à la lumière de cette interprétation. Cependant il y a des poèmes que Dante n’a pas insérés dans l’œuvre, non pas en raison d’une qualité artistique inférieure, mais parce que l’image qu’ils offrent de Béatrice est opposée à celle que le livret se propose de présenter. Je me réfère principalement aux chansons Lo doloroso amor et Mi ringresce. Or, si nous partons de cette image de Béatrice et de l’expérience d’amour que cette image suppose, nous sommes aussi amenés à lire les poèmes sans les conditionner à l’interprétation du commentaire, mais en réfléchissant sur l’écart entre celle-ci et le sens des poèmes. Évidemment, Dante n’a pas écrit pour reconstituer l’histoire de son expérience amoureuse et de son intuition lyrique, mais pour la représenter selon l’interprétation dont il rêvait dans son élan lyrique. Cette découverte m’a convaincu qu’on peut retrouver les lignes fondamentales de l’expérience amoureuse de Dante à partir de l’analyse de ces poèmes, et suivre en même temps l’itinéraire de sa lyrique. Évidemment, cela demande une étude sérieuse et scientifique de ces poèmes, étude que je conduis depuis des années et que je me propose de décrire. Dans cette préface, je me bornerai à en exposer la trame pour qu’elle serve de base à la reconstitution hypothétique de la genèse et de l’enchaînement du sens des poèmes. |
|
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() th00302 : 03/04/2021 |