Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
- Introduction
- Tableau des textes
- Cohérence du discours
. Diachronie
. Synopse
. Synchronie
- Doutes sur l’attribution
- Attribution à Jésus
- Les logia du discours
- Vérification
- Résumé
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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Synchronie
Je parle de synchronie dans la mesure où la juxtaposition des trois textes nous permet de jeter un regard d’ensemble sur le discours. Cette approche synchronique est possible si nous passons d’un texte à l’autre, remplissant le non-dit de l’un par le dit de l’autre et faisant un choix entre les textes parallèles.
Vu dans son ensemble, le discours se compose de quatre parties : l’annonce du jugement de Dieu et l’appel à la repentance ; l’éthique de conversion ; l’annonce de l’événement messianique ; le rassemblement eschatologique.
Ce discours suppose donc une situation généralisée d’infidélité, où le péché parvient à créer une rupture totale de l’alliance, ôtant au peuple toute possibilité de justification par les œuvres de la loi et le livrant à la seule miséricorde de Dieu. D’où l’imminence d’un jugement et la nécessité d’une repentance qui puisse conduire le peuple à un changement radical d’esprit par une reddition sans conditions. Dans ce contexte, l’événement est le salut par la grâce, qui doit mener le peuple à l’accomplissement sans défaillance de la volonté de Dieu. Le rassemblement constitue le lieu humain de cet événement, à la limite de l’espace et du temps.
Pris dans l’ordre de ses parties, le discours a une cohérence structurale, qui l’assimile à un récit messianique et eschatologique. Sa cohérence, cependant, est en défaut si on l’examine dans ses détails et jusqu’aux variantes des textes parallèles. Me proposant d’analyser plus loin les incohérences, je me bornerai à souligner ici les plus importantes d’entre elles.
Je relèverai d’abord que dans la première partie, chez Matthieu, Jean ne s’adresse qu’à deux classes religieuses et sociales, alors que l’annonce du jugement devrait concerner tout le peuple. Luc a perçu cette aporie, dans la mesure où il remplace les pharisiens et les sadducéens par « tout le peuple » (Lc 3:21). Cette substitution, cependant, ne résout pas l’incohérence du texte : comment Jean aurait-il pu reprocher au peuple de chercher à fuir le jugement de Dieu par le baptême, alors qu’il lui offrait celui-ci, justement, pour le soustraire au jugement ?
La deuxième partie ne paraît pas tout à fait cohérente avec la première. En effet, dans la première, on insiste sur les fruits dignes de repentance, c’est-à-dire susceptibles de convertir l’homme à Dieu, alors que dans la deuxième Jean se borne à suggérer un comportement éthique dans le cadre de la Thora, sans chercher à changer la situation tant sociale que politique, coutumière ou religieuse.
Des apories plus difficiles apparaissent dans la troisième partie, où deux discours se heurtent, l’un prophétique et l’autre messianique. Jean ne peut rendre témoignage au Christ qu’en reniant sa propre personnalité et en soumettant, jusqu’à le vider de sens, son propre baptême au sien, qui serait de feu.
La même opposition se retrouve dans la quatrième partie, où la parabole eschatologique paraît tout à fait hors de visée du baptême de Jean, aussi bien que de ses préceptes éthiques de repentance.
Pour conclure, on peut affirmer que ces apories nous autorisent à soupçonner que le discours a été soumis à une censure qui l’a supprimé chez Marc, et qui n’a permis sa réapparition chez les autres évangélistes qu’au prix de profonds changements.
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