Sur les bords du Jourdain

La justice de Dieu et les fruits de repentance

   Le deuxième thème concerne « les fruits dignes de repentance » (Mt 3:8 ; Lc 3:8), c’est-à-dire les œuvres de justice par opposition aux œuvres de la Loi. Ici aussi l’absence, voire la négation implicite, de la thèse paulinienne de la justification par la foi(1) nous oblige à situer ce thème dans une période antérieure à l’Église de Paul. De plus, étant inséré dans un oracle de jugement contre le judaïsme, il paraît aussi antérieur à l’Église de Jacques. Il se laisse par contre comprendre si on le suppose prononcé par Jésus lui-même, lorsqu’il se mit dans le sillage d’Osée, d’Amos, de Zacharie et de Malachie, pour annoncer la venue de Dieu comme un événement de justice(2).

   Cet appel à la repentance a une correspondance chez Matthieu (Mt 7:16-20) et une autre chez Jean (Jn 15:5-10). Le sens cependant diverge : dans le discours on affirme que les arbres sont bons quand ils produisent de bons fruits et mauvais quand ils produisent de mauvais fruits, alors que chez Matthieu ils produisent de bons fruits quand ils sont bons (Mt 7:19), le logion originel est donc interprété sur la base d’un principe théologique qui demeure étranger au discours et aboutit à une proposition inverse : « tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits » (Mt 7:18). C’est le principe de l’élection qui est promu dans cette phrase alors que, précisément, il est remis en question dans le discours. Dans le quatrième évangile, le logion originel subit une sublimation théologique beaucoup plus profonde : le sarment ne peut porter de bons fruits que s’il reste attaché au cep, qui est Jésus, le Christ (Jn 15:5).

   Ces deux couches christologiques d’interprétation suffisent donc pour montrer que le logion du discours est originel, dans la mesure où il a été exploité comme matière brute pour recevoir un sens christologique. Le logion ne peut donc avoir qu’un sens historique et revenir ainsi au Jésus de l’histoire.

   Voir le schéma des textes.

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(1) Ga 2:16 ; 3.   

(2) Mt 5:20-23 ; Mc 8:11-15.