ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




Le profil de Jésus, le nouvel Élie :

Jésus, à l’image d’Élie



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours

Jésus, le nouvel Élie
- Introduction
- Jean Baptiste et Élie
- Jésus et Malachie
- Jésus, le messager
- Jésus et Élie
  . Introduction
  . Quelques parallèles
  . Les deux portraits
  . Schéma des références
- Opinions contemporaines
- Résumé

Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Quelques parallèles entre les deux personnages


   Il est important de souligner avant tout une grande affinité entre l’origine de Jésus et celle du prophète. Elle n’est pas liée à sa relation au père, mais à son lieu d’origine : il est de Tischbé en Galaad (1 R 17:1)(1), détermination qui indique qu’il était bâtard, comme d’ailleurs tous les héros. Sa région, Galaad, l’associe d’ailleurs à Jephté, héros originaire de la même terre.
   Rappelons que Jésus aussi n’est pas présenté en relation à son père, mais à sa mère ou à sa ville natale, Nazareth (Mc 1:9 ; Lc 1:46 ; Mt 2:23) et à la Galilée, sa région. Jésus est appelé aussi bien Galiléen (Mt 26:69) que Nazaréen (Mc 1:24 ; 10:47 ; 14:67 ; 16:6 ; Lc 4:34 ; 24:19).

   C’est cette origine bâtarde qui nous aide à comprendre pourquoi les deux prophètes ont été attirés par le désert et les montagnes, bien que leur séjour en ces lieux ait aussi été motivé par la persécution et par la prière (1 R 17:5 ; 18:19 ; 19:4-14 ; 2 R 1:9 ; Mc 1:35 ; 6:31;46 ; Mt 4:8 ; 5:1 ; 14:23 ; 17:1 ; Jn 6:15).
   Le commencement du ministère prophétique de Jésus évoque celui d’Élie. Jésus apparaît au bord de la mer de Galilée « venant du désert » ; Élie est présenté pour la première fois dans le texte comme étant appelé dans le désert.

   Chez Luc, Jésus commence son activité prophétique dans la synagogue de Nazareth ; s’il est vrai qu’il centre son message sur un texte d’Isaïe, il est vrai aussi que son discours s’achève par une allusion à l’action d’Élie et d’Élisée (Lc 4:25-27). L’analyse du texte montre que sa référence à Isaïe est anachronique – à cause de son caractère messianique – tandis que celle à Élie et Élisée est historique, puisqu’elle s’accorde au jugement de Jésus contre le judaïsme.

   Jésus s’était vraiment présenté comme prophète en se situant dans le sillage d’Élie. Ayant pour ainsi dire une même nature sauvage et montagnarde, les deux prophètes furent aussi proches dans leur message : de même qu’Élie, Jésus fut prophète de l’unicité de Dieu, en l’annonçant avec la même intransigeance et les mêmes accents terribles. Seulement, alors qu’Élie proclamait que « Yahvé est Dieu », Jésus annonçait qu’il était père.
   Le mode de proclamation était cependant le même : l’unicité et la paternité de Dieu étaient comme des impératifs catégoriques qui bouleversaient aussi bien les consciences que l’ordre établi. Il ne s’agissait pas seulement de la proclamation d’une parole, mais de l’intervention d’une personne qui en devenait le témoin, la personnification même.

   Dans la proclamation de leur message, tous deux furent poussés à la fois par la miséricorde envers les pauvres et par la haine du pouvoir exploiteur. C’est par miséricorde qu’ils ne se contentèrent pas de prêcher, mais accompagnèrent leur parole de miracles et de guérisons destinés à satisfaire les besoins des pauvres. Leurs miracles furent pour ceux-ci signes de la présence de Dieu.

   Cependant, ils furent aussi prophètes de malheurs pour les négateurs de Dieu et les exploiteurs du peuple. Si Élie lança des anathèmes contre Achab, Jézabel et les prophètes de Baal, Jésus n’épargna pas ses invectives contre les pharisiens et les sadducéens, les scribes et les grands-prêtres, les riches et Hérode.
   Cette attitude a fait d’eux des hommes persécutés, courageux jusqu’à la mort. Élie fut persécuté par Achab, Jézabel et les prophètes de Baal, il dut se dérober en fuyant dans le désert. Jésus le fut par les pharisiens qui lui tendirent des embûches, par le peuple qui chercha à le tuer, par Hérode et les grands-prêtres, il dut lui aussi s’enfuir dans le désert, se cacher, quitter la Galilée pour aller dans les terres étrangères. Sa vie, comme celle d’Élie, fut une suite d’apparitions subites et de disparitions. Comme Élie, il ne possédait ni maison ni lit (Mt 8:20 ; Lc 9:58).
   Quant au courage, alors qu’Élie n’eut pas peur de se présenter devant Achab qui le recherchait pour le faire périr, Jésus eut la hardiesse de lancer son défi à ses ennemis dans leur fief, le temple.

   Au sujet d’Élie, le récit des Rois rapporte qu’il fut emporté par un tourbillon. Fut-il victime d’un meurtre, resté inavoué et que le peuple interpréta comme une apothéose(2) ? Jésus, lui, fut tué, mais son corps ayant été soustrait à la sépulture et au rite, on a cru de lui qu’il fut « enlevé » par Dieu, à l’exemple d’Élie.


______________

(1) « Son nom, " Iah est mon Dieu ", semble le résumé de son rôle. On ne donne pas le nom de son père. Il n’est nulle part, car ce nom de Tischbé, supposant une localité de Tischbé qui n’a jamais existé, n’est que le résultat d’une erreur de copiste » (E. Renan, Histoire du peuple d’Israël, T. II, p. 284). Pour Renan, ce mot de « Tischbé » est une variante du mot qui le côtoie, « le tischbite » (mitoschbi). Je crois quant à moi qu’il s’agit moins d’une erreur que du propos de donner au prophète une ville natale, car il n’en avait pas dans la tradition qui l’assimilait à un personnage bâtard mythique.   Retour au texte

(2) On peut supposer que le prophète fut tué. Ennemi des sectateurs de Baal, dont il avait massacré les prophètes (1 R 18:40), il ne put échapper à leur vengeance, surtout après que la religion de Baal eut été reprise sous Achaz (1 R 22:54 ; 2 R 1:16). Le meurtre politique se laisse entrevoir du fait qu’on a recherché le corps du prophète sans le retrouver (2 R 2:16-17).
Le récit relatant cette disparition comme un enlèvement d’Élie par Dieu (2 R 2:11) est, par sa structure, identique à celui qui avait transmis à Rome la disparition de Romulus. En effet, après l’avoir enlevé et tué à cause de son despotisme, les « pères » font disparaître son corps en disant au peuple qu’il a été enlevé par Zeus et transformé en dieu Quirinus (Tite Live, 1, 16,4). Pour l’apothéose, voir Ovide, Métamorphoses, XIV, 85-840. Il est important aussi de noter que, dans le récit des Rois comme dans celui d’Ovide, il s’agit du même verbe « enlever » (abfero–anaireo ; ablatum–analefthe).
Jésus ayant été « enlevé » (Jn 19:38 ; Jn 20:1-2;13;15), on peut soupçonner qu’il a été, lui aussi, tué et dissimulé.   Retour au texte




1984




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