ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




Le délire et l’entrée de Jésus dans le désert :

tentative d’approche psycho-philosophique du phénomène de possession



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication

Le délire et le désert
- Introduction
- Le champ sémantique
- Aperçu de la possession
- Psycho-philosophie
  . Introduction
  . Le mythe
  . L’action du dieu
- Délire et crise de Jésus
- L’entrée dans le désert
- Résumé

Des événements au texte



. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

L’action du dieu dans le mythe et dans le phénomène de possession


   Cette dernière remarque nous permet de répondre à la question que j’ai posée au début de cette recherche : la possession s’inscrit-elle dans le cadre de la fonction du mythe, ou s’en détache-t-elle au point de constituer un phénomène typique ?

   Une conviction se dégage de ce que je viens de dire : puisque le mythe constitue le mécanisme fondamental du psychisme inconscient et que, dans la possession, nous retrouvons un personnage du mythe agissant dans la sphère de son propre conditionnement psychique, il faut conclure qu’il y a une relation étroite entre mythe et possession, et que celle-ci ne pourra pas ne pas s’inscrire dans la dynamique du premier. Il reste à savoir si elle constitue un moment nécessaire de cette dynamique, ou si elle exerce une fonction corrective et compensatrice, à la suite d’un « court-circuit » dans la dynamique du mythe.

   Le propre de la possession est qu’un homme se considère comme devenu dieu ou démon ; or ce même homme était déjà, par le mythe, en relation psychique avec ce dieu ou ce démon. Mais, alors que dans le mythe la relation du sujet au dieu impliquait une distance et une négation, ici, au contraire, elle vise à unir, voire à identifier, les deux personnages. La possession n’est donc pas une répétition de l’action du mythe mais semble la contredire, ne se laissant comprendre que comme une antithèse. Elle s’inscrit donc dans la dynamique du mythe, mais dialectiquement, car loin de compléter sa fonction, elle la met en échec.
   Si la possession ne vise pas à compléter la fonction du mythe, quelle est alors son but ? Rappelons que la relation de l’homme au personnage mythique a pour fonction de lui permettre de se relier au mécanisme psychique qui lui permet d’être une personne individuelle, par opposition à celle des autres. En se reniant face au personnage, il renonce à la prétention d’un moi total et absolu, pour n’exister que relativement et par opposition à d’autres individus. Or la possession conduit à un terme contraire : en identifiant l’homme avec le dieu, au lieu de le rendre à lui-même elle le fait cet autre qu’il avait produit par l’aliénation originelle.
   Ainsi l’ordre établi dans le psychisme est bouleversé, l’individu franchit la frontière qui sépare le conscient de l’inconscient pour exister comme personne à la fois réelle et imaginaire, singulière et universelle, soi-même et autre que soi : il est en délire.

   Ce délire ne peut être compris qu’en supposant un « court-circuit » dans la dynamique du psychisme. L’aliénation originelle, qui a conduit à la constitution du personnage mythique au lieu de déboucher dans la conscience individuelle, s’est bloquée. C’est en vain que l’individu s’est mis en relation avec le dieu en se reniant face à lui, il ne parvient pas pour autant à être lui-même une personne face aux autres personnes. Il ne peut plus se guider soi-même dans sa relation au monde, d’où son déséquilibre dû à la rupture des barrières qui séparaient le conscient de l’inconscient, l’imaginaire du réel.
   Le désir sort de son état de refoulement pour prétendre à la vie, face au dieu qui est devenu incapable de la donner, c’est-à-dire face à l’aliénation originelle. Mais au lieu de nier cette aliénation, le désir lui donne par violence une autre fonction, dans une ruse typiquement onirique. L’homme surprend le dieu et le contraint à lui redonner, par un processus d’identification, cette vie qu’il est incapable d’obtenir par voie d’aliénation.

   Irruption prométhéenne du désir à l’encontre des dieux, qui s’approprient la vie au point de la refuser aux mortels ! Punition et compensation radicales : le dieu devient homme et l’homme dieu, mais par la rupture de l’ordre psychique, par le délire.



1984




Retour à l'accueil La possession dans le mythe Haut de page Retour du traumatisme d'enfance de Jésus      écrire au webmestre

u1232000 : 06/05/2018