ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Le  centurion


Matthieu 8: 5-13




1- Le récit de Matthieu



14- Deuxième analyse référentielle :
       du document à l’information
       de la tradition populaire



Approche du récit populaire




La logique ou l'art de penser, de Nicolle et Arnauld, 1664





Introduction
Sommaire


Le récit de Matthieu

Le sens théologique

Le genre littéraire
- Récit historique ?
- Récit romanesque ?
- Récit d'interprétation

Du récit au document
- Première aporie
- Deuxième aporie
- Troisième aporie

Du document à la tradition populaire
- Les apories
- Le récit populaire
- Trois tableaux d'un même
  fait

La gnoséologie du récit
- La gnoséologie des
  Évangiles
- Jésus est le Christ
- Narrateurs de Jésus-
  Christ

Information sur Jésus, foi en Jésus-Christ
- La confession de foi du
  centurion
- Jésus loue cette foi
- Interdit sur le peuple juif
- La guérison par la foi


Les récits parallèles

Le texte de Luc
Le texte de Jean
Les trois textes et la foi au Christ


Regard à partir des principes de l'analyse référentielle


a rencontre eut lieu aux portes de la ville, et fut for­tuite selon toute probabilité. Pour engager une conver­sation, si brève fut-elle, les deux hommes devaient se connaître. Jésus savait qu’il y avait en ville un centu­rion, chef du contingent militaire de la région ; quant au centurion, de par sa responsabilité, il ne pouvait ignorer la présence d’un guérisseur, auquel les malheu­reux de la ville étaient attachés. De plus, la situation lui permettait d’engager la conversation sur ce qui était, en un certain sens, du domaine de Jésus : son serviteur – ou son fils – était atteint de paralysie.
   Il s’en est entretenu avec lui, mais sans le prier d’al­ler le soigner ou le guérir. Par courtoisie, sans doute, mais aussi parce que cela concernait sa qualité de gué­risseur, Jésus s’offrit à aller le guérir chez lui. Prêtons attention à la manière de s’exprimer de Jésus : Il em­ploie le participe verbal, en sorte que son propos reste en suspens : l’expression peut signifier « en venant chez toi » ou « si je viens chez toi ».
   Il y avait en effet des obstacles à ce que Jésus se rendit chez lui. Tout d’abord, Jésus étant Juif, il lui était interdit de se rendre chez un païen sans accomplir le rite de purification. Mais le centurion avait aussi des empêchements : homme de responsabilité et officier de l’empire, il ne pouvait recevoir dans sa maison que des personnes agréées par le pouvoir et au-dessus de tout soupçon. Aussi ne pouvait-il se faire soigner que par des personnes reconnues et de confiance. Il devait donc refuser l’offre de Jésus, refus qui leur ôtait toute possibilité réelle mais ouvrait leur discours à un échange libre et personnel.

   Dans le récit une phrase, qui précise l’objet et l’orientation de l’entretien, concerne l’analogie entre le guérisseur et le centurion, homme « soumis au pou­voir » de l’armée, ordonnant à ses subordonnés d’exé­cuter ses ordonnances.

   Ils avaient engagé leur conversation sur la « gué­rison ». Quelle aurait été l’action de Jésus auprès du malade ? Sans doute aurait-il accompli des gestes rele­vant à la fois du traitement et du rite, comme des jeû­nes et des prières, des impositions de mains et des onctions, des massages… Dans les religions, les mala­dies étaient produites par des esprits, et elles ne pouvaient être guéries que par leur expulsion ou par leur reddition. Le traitement ressortait de l’exorcisme par le recours à Dieu. Le fait que Jésus ne pouvait pas se rendre au chevet du malade, lui posait un problème en tant que guérisseur. Qu’aurait-il pu faire ? Procé­dons ici comme les anciens historiens, d’une façon libre et littéraire, par le dialogue.

   Le centurion demande à Jésus : « comment peux-tu guérir, s’il t’est interdit de rencontrer le malade ? » Attentif, Jésus ne répond pas. Le centurion poursuit : « J’ai une idée : si tu es un guérisseur, tu dois être investi par ton dieu de son pouvoir. Tu pourras alors ordonner à l’esprit de la paralysie de quitter mon serviteur. Moi, qui suis sous le pouvoir de l’armée, j’exécute ses ordres non comme un serviteur mais comme un chef, en donnant des ordres à mes servi­teurs ; à l’un je dis « va ! », et il va, à un autre « viens » et il vient.
   Solution plaisante et fantaisiste à une situation sans issue, non dépourvue d’humour, que Jésus prit cepen­dant au sérieux. Il aurait répondu « Tu te fais de Dieu une image de grand chef militaire. Ainsi tu reconnais en lui le créateur. Mais pour moi et pour mon peuple, Dieu n’accomplit en nous sa volonté que par son Esprit. Et il guérit celui qui croit en lui et s’abandonne à son esprit ». « Ai-je foi en lui ? » lui répliqua le cen­turion. « Tu crois, à mon grand étonnement, et tu recevras pour ton serviteur la réponse, selon la foi. »

   Les idées de ce dialogue se dégagent du texte au terme de l’analyse, mais la forme logique nous permet de mettre en évidence leur différence et leur apparte­nance : Dieu comme Puissance, Dieu comme Esprit ; l’homme objet devant le pouvoir, l’homme sujet de­vant l’Esprit ; la religion (da relegare) entre l’homme et la parole du Dieu de la Puissance, et la communion entre l’homme et l’Esprit. Quant à l’éloge par Jésus de la foi du centurion, il devient authentique si on le comprend dans le sens de ce dialogue.
   On ne peut pas en dire autant des paroles de Jésus aux versets 11 et 12, à propos de l’entrée des païens dans le Royaume de Dieu et de l’exclusion des fils de l’élection. Elles n’ont pas été prononcées par Jésus, ni à ce moment ni en d’autres circonstances, mais elles lui ont été attribuées comme une « prophétie », après l’événement dont les auteurs des Évangiles ont été les témoins : la destruction du Temple de Jérusalem par les armées de Titus et la dispersion du peuple juif dans les Ghettos de l’empire. Les évangélistes ont vu dans cet événement la manifestation de Jésus comme le Christ et comme le Seigneur du monde qui, selon eux, marquait aussi la fin du règne de Dieu et le commen­cement du règne des cieux par le Christ.




Le 17 juin 2003




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t461420 : 21/03/2017