J’ai déjà parlé de l’exposition, que le récit de Luc refoule. Ayant accouché, Marie a emmailloté l’enfant et l’a « déposé » dans une crèche. Celle-ci tient sans doute lieu de berceau, mais ne parvient pas à effacer de l’esprit du lecteur cette corbeille où la vierge-mère fugitive du mythe « déposait » son enfant pour l’exposer. Quant au lieu de la crèche, il est suffisamment isolé et éloigné de la ville pour suggérer un endroit où l’enfant pouvait être exposé. On sait que les mères, sachant que l’enfant risquait la mort, cherchaient à l’exposer non loin des temples ou dans d’autres lieux qui, bien qu’écartés, restaient quand même accessibles, afin de lui donner une chance de survie.

   La présence d’anges dans le récit implique aussi cette exposition : qui sont en effet ces êtres célestes, sinon la personnification de la grâce de Dieu favorisant la découverte de l’enfant par des personnes susceptibles de l’accueillir ? Au premier niveau du texte, leur rôle est d’annoncer la naissance du Sauveur, mais ce Sauveur n’apparaît que sous l’énigme d’un signe : « un enfant emmailloté et couché dans une crèche », signe qui coïncide avec celui de la naissance du héros et qui est précisément l’exposition. Par ce signe l’enfant né du péché est sauvé par Dieu, il devient fils de Dieu.