Analyse du récit :
Le Gethsémani
Avant d’aborder l’analyse du récit, donnons quelques informations sur
Gethsémani. Selon l’étymologie, c’était un « pressoir à huile », situé en haut du
Mont des Oliviers. Cette colline s’élève à l’est de
Jérusalem, au-delà du torrent
Cédron qui sépare la ville du
désert de
Judée. À ses pieds, une route traversait la plaine du
Cédron, reliant
Jérusalem à
Jéricho. Du sommet de la colline, des sentiers descendaient vers le
Désert (
2 S 15:23;
30). Ce lieu avait déjà joué un rôle dans la vie de
Jésus.
Luc affirme qu’il y est allé «
selon son habitude » (
Lc 22:39).
Mais puisque, selon
lui et les synoptiques, c’est l’unique fois où
Jésus se trouvait à
Jérusalem, on peut penser qu’il avait choisi ce « Pressoir à huile », à la fois à l’écart et non loin de la ville, comme demeure secrète qui lui offrait la possibilité de se cacher et de s’enfuir.
Le quatrième évangile confirme cette hypothèse :
Jésus connaissait ce lieu, parce qu’il y allait souvent (
Jn 18:2). Cette information est importante, car
Jean est le seul à rapporter que
Jésus s’était rendu à
Jérusalem plusieurs fois, surtout pour les fêtes des Tabernacles et de la Dédicace. Or, à l’issue de celles-ci, les
sacrificateurs et les
pharisiens avaient ordonné de s’emparer de lui, tandis que le
peuple avait cherché à le lapider.
Jésus était parvenu à s’échapper en trouvant refuge près du
désert. Ce qui laisse supposer que ce « pressoir à huile » lui avait servi de cachette chaque fois qu’il s’était rendu à
Jérusalem depuis sa fuite et, surtout, lors de son dernier séjour, à la fête de Pâque.
Il va sans dire que
Jésus n’aurait pas pu disposer de cette demeure sans des amitiés et des connivences avec les propriétaires du domaine.
En revenant à
Jérusalem pour les fêtes de Pâque,
Jésus, poursuivi dans sa fuite, devait trouver un répit dans ce logement qui pouvait le protéger et favoriser sa fuite. Mais combien sa situation et celle de sa communauté était différente du temps de leur séjour en
Galilée ! Il avait pu alors s’opposer aux tentatives d’arrestation de la part d’
Hérode en suscitant la sympathie de la foule. En effet, il avait envoyé ses
disciples annoncer son Évangile de porte en porte, comme des pauvres, sans sac ni bâton, se nourrissant de ce que les gens leur offraient. Les
disciples étaient spirituellement fiers de se présenter ainsi, alors qu’ils se croyaient prédestinés à devenir, dans le royaume, les juges des douze tribus
d’Israël.
Depuis la fuite de
Jésus après l’échec de la prise du
Temple et le mandat d’arrêt lancé contre lui, tout avait changé. Non seulement, ils n’osaient plus se prétendre les futurs juges du
peuple, mais ils ne pouvaient même pas oser se présenter comme des pauvres. Reconnus, ils auraient été chassés, poursuivis comme des « vagabonds » (
Celse) ou des malfaiteurs.
Jésus les avait sensibilisés à cette nouvelle situation en leur donnant les repères d'un nouveau comportement.
Luc rapporte des paroles que
Jésus aurait dites à ses
disciples avant de se rendre
Gethsémani : «
Quand je vous ai envoyés sans bourse, sans sac et sans souliers, avez-vous manqué de quelque chose ? Ils répondirent : de rien. Et il leur dit : maintenant, au contraire, que celui qui a une bourse la prenne, que celui qui a un sac le prenne également, et que celui qui n’a point d’épée vende son vêtement et achète une épée... Ils dirent : Seigneur, voici deux épées. Il leur dit : cela suffit » (
Lc 22:35-38). Les
disciples savaient qu’ils devaient se défendre eux-mêmes depuis que leur maître avait échoué dans sa tentative de purification du
Temple.
Dieu lui-même n’était pas venu au rendez-vous pour le soutenir. Ils s’étaient procuré ou avaient acheté deux épées, avec lesquelles ils avaient accompagné
Jésus vers le
Mont des Oliviers, pour le protéger et se protéger eux-mêmes.