ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




I- Regard critique sur les évangiles




4- À Gethsémani : l’attente et la venue de Judas



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES
- L’annonce de la trahison
- Le contexte historique
- Les fêtes de la Pâque
- Gethsémani
  - Sens christologique du récit
  - Critique du discours
  - Analyse du récit
    . Le Gethsémani
    . Le chemin du Gethsémani
    . Veille et attente
    . Fin de l’attente
  - La venue de Judas
- Le récit de la trahison
- La trahison simulée
- L’arrestation de Jésus
- Troisième rencontre
- Jésus, entre prophétie et
   politique

- La mort de Judas

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS

ÉPILOGUE

ANNEXES


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

Analyse du récit :
La veille et l’attente de la venue de Judas


   Selon les récits évangéliques, Jésus monta à Gethsémani pour attendre Judas, qui devait venir le livrer aux mains des pécheurs afin que, par sa mort, le salut des hommes fut accompli en lui. Son attente fut ainsi tiraillée entre la crainte et le désir.

   Dans cette attente propre à la personne christique de Jésus, il est aisé de reconnaître le refoulement et la sublimation du prophète, prêt à quitter le pays sous le signe de Jonas. Jésus n’attendait pas Judas, mais les Grecs, ces Juifs de la diaspora, avec lesquels il était convenu de partir, troublé cependant jusqu’à l’angoisse, parce qu’il redoutait que les grands-prêtres soient parvenus à découvrir, grâce à des chantages et des menaces, sa cachette dans le Mont des Oliviers.
   Aussitôt arrivés, il sépare les disciples en deux groupes, pour qu’ils prient et veillent tandis que lui-même se tiendrait à l’écart, en un lieu plus élevé, afin de surveiller personnellement tout ce qui se passerait aux alentours. Il priait, car l’issue de son attente était dans la volonté de Dieu. Cependant, il surveillait ses disciples, desquels il s’approcha trois fois pour les exhorter à ne pas dormir.
   Les synoptiques, et Luc spécialement, décrivent la relation de prière de Jésus comme un état mystique, l’« agonie », le combat intérieur du fils de Dieu pour accepter la mort imposée par Dieu pour le salut du monde. Il prie son père de lui épargner cette coupe amère et de lui permettre d’accomplir l’œuvre du salut sans subir la passion et la mort. Sachant qu’il ne peut pas être entendu il accepte cette coupe, mais dans une telle angoisse mortelle que sa sueur ruisselle en gouttes de sang.
   Dans cette « agonie », les évangélistes subliment la souffrance de Jésus en y insérant des motivations propres à la personne du Christ, sans en amoindrir la tension tragique. En effet, l’intention de la prière de Jésus est incompatible avec celle du Christ : celui-ci prie seulement son Père de lui épargner d’être livré aux mains des pécheurs, Jésus au contraire lui demande de ne pas être livré, mais aussi de lui ouvrir le chemin du départ, selon la signification de l’exode de la Pâque. Il implore Dieu de lui épargner un nouvel échec de la Dédicace. Il est en délire. Il se voit pris au piège, trahi par le siens qui ont été scandalisés par son comportement. Il perçoit que le chemin de la fuite lui est désormais coupé par le peuple, qui l’encercle pour le lapider comme faux prophète. Mais il ressent encore l’anxiété de la fuite vers le désert. Retour de son être à la glaise des origines, où désormais son esprit devra s’éteindre. Alors ce sera la nuit. Sorti comme Jonas du ventre du poisson, il lui sera interdit de donner son signe par la conversion des Gentils. Sur son corps ruissellent des gouttes de sang, comme sur la chair du Christ.

   Le Christ quitta son lieu de prière pour s’approcher du premier groupe des disciples. Il constata qu’ils dormaient : ils n’avaient pas pu veiller, même une heure ! « Veillez et priez, afin de ne pas tomber dans la tentation » (Mt 26:41). Il leur dit : « Veillez pour prier ».
   Mais pourquoi doivent-ils prier ? Selon le sens explicite du récit, afin que s’accomplisse l’événement du salut : le Christ sera livré aux mains des pécheurs ! Ils doivent veiller pour attendre, eux aussi, la venue de Judas, dont la trahison est l’acte par lequel le salut s’accomplit dans le monde. Ils dorment cependant. Ils restent étrangers au salut, comme lors de l’annonce de la trahison de Judas.
   Jésus a probablement exhorté ses disciples avec les mots mêmes des évangiles, sans doute dans un sens différent : « veillez pour prier » et non « veillez et priez ». « Veillez », pour saisir les bruits annonciateurs de la venue des Grecs, ou bien des hommes envoyés pour l’arrêter. Ainsi Jésus pourrait-il aller à la rencontre des Grecs ou, au contraire, s’enfuir dans le désert, par des sentiers secrets. Dans cette intention, Jésus leur avait ordonné de porter des épées. « Priez », pour que Dieu intervienne en guidant vers Jésus les pas des Grecs et en égarant la poursuite des gendarmes.
   Mais les disciples n’ont ni prié ni veillé. L’épée serrée dans leur main, ils rêvaient, peut-être de défendre leur maître et Pierre de couper l’oreille de celui qui aurait osé mettre les mains sur son maître. Le départ de leur maître assuré, rêvaient-ils de retourner en Galilée, sur les bords de leur lac poissonneux ?



juillet 1987




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t613330 : 28/11/2017