ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




I- Regard critique sur les évangiles




6- De la trahison simulée à la trahison par méprise



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES
- L’annonce de la trahison
- Le contexte historique
- Les fêtes de la Pâque
- Gethsémani
- Le récit de la trahison
- La trahison simulée
  - L’hypothèse
  - Jésus dans l’impasse
  - Présomption d’une trahison
     simulée
  - La trahison simulée, moyen
    de défense
  - Rencontre de Judas avec
    les grands-prêtres
  - Deuxième rencontre
- L’arrestation de Jésus
- Troisième rencontre
- Jésus, entre prophétie et
   politique

- La mort de Judas

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS

ÉPILOGUE

ANNEXES


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

L’impasse de la situation de Jésus à Jérusalem, et la nécessité de recourir à une trahison simulée


   Une trahison simulée s’imposait à Jésus du fait de l’impasse où il se trouvait depuis sa venue à Jérusalem pour la Pâque. Il était venu préparer son départ chez « les Grecs », sous le signe de Jonas. Aussi voulait-il inscrire ce départ dans la signification de la fête, c’est à dire l’exode des fils de Dieu de la terre d’esclavage vers la terre promise des Nations, afin d’établir la souveraineté de Dieu sur le monde.
   Mais la réalisation de ce projet se heurtait au fait que Jésus était recherché comme brigand en fuite, condamné par contumace. Peut-être Jésus aurait-il pu s’enfuir de la ville, comme il avait pu y venir, sans être pris ; mais il s’agissait pour lui non de sauver sa vie, mais de reprendre sa mission prophétique que la poursuite judiciaire avait rendue impossible. Des problèmes se posaient, dont la solution était complexe et remplie de dangers.
   Les Grecs que Jésus avait rencontrés connaissaient-ils la situation précaire et infamante de Jésus ? S’ils en avaient conscience, étaient-ils prêts à l’emmener avec eux ? L’impasse venait surtout des réelles difficultés de son départ. Les grands-prêtres et les pharisiens voulaient le capturer avant la Pâque, car ils avaient peur d’une émeute semblable à celle que Jésus avait suscitée au Temple lors de la fête de la Dédicace et à cause de laquelle il avait été condamné. Ils craignaient aussi que Jésus profite de la présence des pèlerins de la diaspora pour monter un complot ou pour s’enfuir à l’étranger. Ils se rappelaient son propos d’aller dans un lieu où ils n’auraient pas pu le suivre. Ils avaient imaginé qu’il voulait se rendre chez les Grecs, il fallait donc empêcher sa fuite et démasquer l’imposture de sa prophétie.
   Jésus le savait. S’il pouvait se réjouir de sa rencontre avec les Grecs, il redoutait la machine judiciaire, qui s’était désormais mise en route. Par ailleurs, beaucoup de Juifs de la diaspora le connaissaient par ouï-dire et se demandaient s’il était venu à Jérusalem pour la Pâque, car ils étaient désireux de le connaître. Ce qui avait poussé le Sanhédrin à former un nouveau mandat d’arrêt, enjoignant à tous ceux qui étaient venus à Jérusalem pour la fête de le dénoncer, s’ils venaient à apprendre « où il était, afin qu’on puisse s’emparer de lui » (Jn 11:57). Les Juifs de la diaspora, que Jésus avait contactés, auraient donc su, par les autorités du judaïsme, qu’il était un bandit, condamné par contumace et poursuivi en justice. Auraient-ils pu, en conscience, rester fidèles à leurs engagements ?

   D’angoissante, la situation de Jésus devenait tragique, car chacun se trouvait dans l’obligation morale de le dénoncer. Dans un esprit prophétique, Jésus avait décidé de fêter la Pâque en l’actualisant dans sa propre existence d’homme voué à la mort. Désormais, aucun de ses amis ne pouvait célébrer la Pâque sans penser à lui. Son délit prenait la dimension de la fête. Ainsi, un doute lancinant s’empara-t-il de lui : l’occasion propice à son départ venait-elle à coïncider avec le moment opportun choisi secrètement par le Sanhédrin pour l’arrêter ?

   Ce doute suscita sans doute, chez Jésus, l’idée d’envoyer un disciple simuler la trahison afin de dévoiler les décisions du palais à son égard, ainsi que les moyens mis en œuvre pour son arrestation. Certes, Jésus recevait des informations de ceux qui lui permettaient de vivre en ville bien que fugitif, mais elles étaient incomplètes, car le plan de son arrestation demeurait secret. Il fallait donc s’infiltrer dans le palais.
   Pour Judas, il n’y avait pas d’autre possibilité que de se faire passer pour un traître, s’il voulait être informé sur les projets de capture ourdis par les sacrificateurs. Il était urgent d’agir, car Jésus avait pensé que le moment le plus opportun pour son départ ne pouvait être que la nuit précédant la Pâque, depuis ce pressoir à huile qui lui servait de cachette. Mais pouvait-il être sûr que la police du Sanhédrin n’était pas déjà parvenue à repérer ce lieu, et même à apprendre, par ses espions, le moment où il s’y trouverait ?
   Il fallait donc se rendre chez les grands-prêtres pour leur fournir les garanties d’une trahison efficace. Ceci acquis, il aurait été aisé de les fourvoyer, parce qu’on serait devenu arbitre du temps et du lieu de l’arrestation de Jésus. Évidemment, ils n’auraient été avertis qu’après que Jésus soit parti.

   Mais parmi les disciples qui pouvait jouer ce rôle de traître à son maître, même pour parvenir à le sauver ? Il fallait quelqu’un à la fois de l’entourage proche de Jésus et pas tout à fait étranger au palais, quelqu’un d’autant plus agréé par les grands-prêtres qu’il jouissait d’une grande estime auprès de Jésus et en connaissait tous les secrets. Cet homme ne pouvait être que Judas.
   Du titre dont Jésus l’honora en réponse à la salutation que Judas lui adressa à Gethsémani, se dégage l’image de sa personnalité de « compagnon » ! C’est l’unique fois où Jésus emploie ce titre, et Judas fut la seule personne, à qui il le donna. « Compagnon », c’est-à-dire, celui qui se met au service de l’autre comme son ami. Non seulement il lui vient en aide mais il devient son agent. Nous dirions un « lieu­tenant ». Judas était apôtre moins au service de son message que de son existence : par le quatrième évangile, nous apprenons d’ailleurs que Judas assurait la gestion de la communauté, agissant au nom de Jésus et sous son autorité.



juillet 1987




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t615200 : 03/12/2017