ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





Clermont-l’Hérault (1950 – 1955) :
Clermont-l’Hérault


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault
La nomination
Accueil
Clermont-l’Hérault
À pied d’œuvre
Les jeunes
Communauté active
Ouvrir la communauté
Une porte s’ouvre
Difficultés
Un pasteur communiste ?
Point d’orgue
Parole d’utopie
Fin de partie

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing

La crise

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

   Clermont-l’Hérault est une importante bourgade de 5.500 habitants, à trente-cinq kilomètres de Montpellier, à mi-chemin entre Lodève – à une vingtaine de kilomètres au nord, et Pézenas au sud, adossée aux contreforts des Cévennes et ouverte sur la vallée de l’Hérault jusqu’à la Méditerranée vers le Cap d’Agde.

   En vue aérienne, on reconnaît aisément la topographie en cercle de l’ancienne cité médiévale, dominée en hauteur par son château en ruine, avec en contrebas son église majestueuse aux murs épais et au clocher fortifié.
   L’antique cité, dont les remparts ont disparu, aux ruelles étroites où le grand soleil méridional a de la peine à pénétrer, et où les vieilles maisons se serrent les unes contre les autres, constitue le vieux quartier, dénommé « le Pioch ». Là s’entasse une population d’ouvriers agricoles et de saisonniers, un important prolétariat et même un sous-prolétariat aux familles souvent nombreuses, d’origine espagnole pour beaucoup, certaines venues dans la région après la première guerre mondiale et bien implantées, d’autres, immigrées après la guerre d’Espagne de 1939 et beaucoup plus marginales.
   Au-delà de l’église et vers la plaine viticole s’étend assez loin le quartier plus récent où sont installés les commerces et les quelques adminis­trations (Poste, écoles et collèges, théâtre…). Une population plus aisée et petite-bourgeoise y réside. La mairie se trouve sur la ligne de jonction des deux quartiers.

   Bien que le catholicisme le plus traditionnel se prétende hégémonique sur cette population compo­site, les mailles de son filet, par endroits fort lâches, laissent s’échapper des ensembles importants, principalement dans le milieu populaire. Beaucoup de ces immigrés espagnols de la guerre d’Espagne sont d’anciens anarchistes, demeurés athées et libertaires ; souvent leurs enfants portent des prénoms « révolutionnaires » (Aurore, Floréal…). On pratique donc peu, le plus souvent aux fêtes carillonnées, et même si presque tout le monde a été baptisé.
   Politiquement, on est majoritairement à gauche dans ces milieux : on vote socialiste ou communiste et, si l’on est plus « installé » ou notables, radical ou radical-socialiste.
   Quant à l’évangélisation protestante, elle remonte à la fin du siècle dernier, entre 1898 et 1900, à l’initiative du doyen Camille Leenhardt. Mais déjà, au seizième siècle, Clermont-l’Hérault fut pendant quelques temps une « ville refuge » pour les protestants.

   Un matin d’octobre, Maurice Touchon m’annonça que nous partions visiter à Clermont les locaux qu’il venait de découvrir et de louer au nom de la SEBAL. En effet, non loin de l’église, au début d’une longue rue étroite au nom pittoresque de rue « Frégère » (c’est-à-dire « froide » à cause du courant d’air vif qui s’y engouffrait par grand vent) serpentant de la place de la mairie jusqu’à la route nationale de Lodève, il me présenta une vieille bâtisse exigüe et décrépite.
   Au rez-de-chaussée sur la rue, un local inoccupé de quelques vingt mètres carrés avec vitrine avait servi au propriétaire d’atelier de photographie. Puis il me mena par un sombre couloir humide et un escalier hors d’âge au second étage (le premier était occupé par les vieux propriétaires, malades et grabataires) à un logement exigu de trois pièces couvrant environ vingt-cinq mètres carrés : deux pièces donnaient sur la rue, dont l’une faisait office de cuisine, l’autre de salle à manger (chacune de sept à huit mètres carrés et au dallage disjoint), et une troisième pièce, à l’arrière, entièrement aveugle et baptisée chambre à coucher. Ni cabinet de toilette, ni salle d’eau ! L’horreur !
   Devant ma perplexité et ma répulsion, qui se lisaient à mon attitude, mon collègue me dit : « Il n’y a rien d’autre à louer, c’est à prendre ou à laisser ! ». Nous étions là depuis un mois, nous n’avions qu’à prendre et à ravaler notre déconvenue. On nous promit quand même quelques petits aménagements… et nous dûmes rester dans cet appartement du 60 rue Frégère pendant deux années jusqu’en 1952. Sans doute avons-nous ainsi appris à partager les difficultés du peuple de Clermont (mais aussi que de soucis et de fatigues accrus pour ma femme), et connaître la fin de l’espoir de deux autres enfants.



1992




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tc410300 : 13/07/2019