ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





Clermont-l’Hérault (1950 – 1955) :
les jeunes


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault
La nomination
Accueil
Clermont-l’Hérault
À pied d’œuvre
Les jeunes
Communauté active
Ouvrir la communauté
Une porte s’ouvre
Difficultés
Un pasteur communiste ?
Point d’orgue
Parole d’utopie
Fin de partie

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing

La crise

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

   L’expérience acquise dans le scoutisme et les mouvements de jeunesse nous orienta presque naturellement, ma femme et moi, à chercher le premier ancrage dans la cité auprès des jeunes, intégrant les quelques enfants des familles protestantes.
   Ainsi, dès le mois de novembre 1950, devint réalité le projet d’un Club d’enfants ouvert à tous et neutre confessionnellement. Une jeune protestante d’une vingtaine d’années, Maguy Lardat, fille de l’une des familles paysannes, s’offrit à seconder ma femme et toutes les deux constituèrent pendant cinq ans une équipe soudée, cheville ouvrière de ce qui fut la clé originelle de notre action à Clermont : à travers les enfants, le contact et l’amitié des familles furent noués.
   Très vite, la réponse à cet appel vint principalement du vieux quartier du Pioch : d’abord une vingtaine d’enfants, filles et garçons d’entre dix et quinze ans de ce milieu populaire, jusqu’à une quarantaine deux ans plus tard, se joignirent tous les jeudi après-midi à la petite dizaine de jeunes protestants dans la salle exigüe du Foyer de la rue Frégère pour jouer, pratiquer des travaux de bricolage, de peinture, de tissage, ou s’enthousias­mer devant les histoires animées et à multiples épisodes des aventures de Tintin et Milou, ou de Sylvain et Sylvette. Ces activités d’intérieur se prolongeaient dans des sorties en campagne, des baignades en rivière et, pendant les vacances scolaires, dans des camps.

   Mais la réalité a souvent de la peine à rattraper l’utopie ! Se persuader que l’évangile peut abattre les « murs de séparation » doit tenir compte de la résistance de « l’homme religieux » et des « bien-pensants » de toutes origines. En effet, nous avions rêvé d’un brassage des milieux sociaux clermontais à travers ce Club où des enfants différents par leur implantation et leur situation sociale, par leur éducation et leurs modes de vie, pourraient se retrouver pour de communes découvertes et nouer des relations durables. C’était compter sans la réaction des parents d’origine « bourgeoise » (et pas uniquement des protestants) qui n’acceptèrent pas que leurs enfants coexistent et se mêlent à ces enfants « mal éduqués » et peu habitués aux bonnes coutumes du « savoir-vivre ».
   On fit comprendre au pasteur et à l’équipe du Club qu’il fallait choisir. Le pasteur et l’équipe ne firent pas le choix attendu, et afin de demeurer réellement ouverts à tous, ils renvoyèrent la question à ceux qui la posaient. Alors, paradoxe, ayant décidé de rester accessibles à quiconque, nous nous sommes retrouvés contre notre gré pasteur essentiellement en milieu populaire : même si quelques familles protestantes eurent l’intelligence de résister à cette discrimination, la plupart des enfants des familles les plus aisées ne se montrèrent plus aux rencontres du jeudi.

   Ainsi, dès les premiers mois de notre présence à Clermont, nous connûmes la première tension sérieuse qui donnait à chacun l’occasion de s’inter­roger sur le sens de l’évangile de l’incarnation.
   Et l’évangile pour lequel nous étions là ? Il nous a toujours paru scandaleux (le « scandale » signifie étymologiquement « l’obstacle qui fait tomber ») de profiter de la confiance de quelqu’un pour l’enfermer dans un piège auquel il ne s’attendait pas. Ces jeunes étaient venus au Club librement pour en rencontrer d’autres, jouer et se détendre, et sans doute trouver un lieu d’humanité et d’amitié. Tirer avantage de cette situation pour forcer leur conscience nous aurait semblé les trahir.
   Ils savaient sans équivoque que nous étions protestants, et même que d’autres jeunes dont certains participaient aux activités du Club le jeudi après-midi allaient aussi à l’instruction religieuse, le matin, au foyer. Nous étions tenus de respecter la libre démarche de chacun. D’ailleurs, au cours de ces années, plusieurs d’entre eux me demandèrent d’assister à la séance du matin et, en 1953, huit des quinze enfants assidus à l’école du jeudi n’étaient pas d’origine protestante.
   À Pentecôte 1954, trois catéchumènes dont deux venaient du Club souhaitèrent devenir membres de l’Église réformée. Nous nous en sommes profondé­ment réjouis, même si l’événement était modeste. Néanmoins ce signe visible aura-t-il été plus essentiel et durable que l’épanouissement discret intervenu chez beaucoup d’autres ?



1992




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tc410500 : 14/07/2019