ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Pierre Curie
Le roman inachevé d’un utopiste
Clermont-l’Hérault (1950 – 1955) :
à pied d’œuvre
Sommaire
Prologue
Introduction
Clermont-l’Hérault
La nomination
Accueil
Clermont-l’Hérault
À pied d’œuvre
Les jeunes
Communauté
active
Ouvrir
la communauté
Une porte
s’ouvre
Difficultés
Un pasteur
communiste ?
Point
d’orgue
Parole
d’utopie
Fin
de partie
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
La crise
Épilogue
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
Nous étions maintenant à pied d’œuvre, hâtivement installés dans notre repaire incommode. L’ancien local de photographie avait été rafraichi et aménagé en salle polyvalente : une chaire (ou plutôt un pupitre) sobre et une simple table portant la
Bible
, et sur le mur blanchi du fond une grande croix de bois : tout mobilier qui, retiré en un tournemain, laissait place à une salle neutre pour des réunions ou des projections ; bien sûr, une trentaine de chaises nous avaient été offertes. Sur la rue, la vitrine livrait au passant une information, une interrogation ou un message. Désormais
Clermont-l’Hérault avait un « Foyer Évangélique de l’Église réformée ».
L’aventure commençait, et nous avions tout à découvrir. Par quels cheminements pourrions-nous gagner la confiance sans imposer « notre vérité », ni vendre une « marchandise religieuse » concurrente de celle qui était déjà « sur le marché » ? Quelles clés utiliser ou forger, pour ouvrir les premières portes sans effraction ?
Le premier paradoxe (que nous rencontrerons en d’autres lieux et occasions) vint des protestants eux-mêmes. « Enfin un pasteur pour nous ! » pensèrent-ils. Que représentaient-ils dans cette population de plus de cinq mille habitants ? En tout nous avons trouvé une dizaine de familles, représentant une trentaine de protestants, enfants compris, peut-être un pour cent de l’ensemble : il y avait les familles d’un assureur, d’un quincailler, d’un représentant en équipements funéraires, de deux paysans, d’un maçon, d’un ouvrier agricole… Alors, allions-nous devenir leur chapelain privé ?
Dès le départ, un principe et une méthode ont inspiré notre comportement afin de répondre à nos motivations et à l’intention des autorités de l’Église qui nous avaient appelés à
Clermont-l’Hérault.
Le principe : nous présenter délibérément mais sans ostentation comme un couple pastoral vivant avec et au milieu de tous sans considération d’origine sociale ou religieuse. Dans cette approche, les quelques familles protestantes nous semblaient appelées à trouver leur place et leur action dans cette « stratégie » inspirée de l’évangile. Puisqu’elles se trouvaient, par les circonstances et leur propre histoire, disséminées dans les divers quartiers de la cité, deux attitudes leurs étaient possibles, à l’image de la semence en terre : ou bien elles entretenaient leur « foi huguenote » dans le cocon de l’institution protestante, en risquant un repli et un étouffement mortels, ou elles l’exposaient et la mettaient à l’épreuve du dialogue ouvert aux autres, ce qui n’irait pas sans remises en question et engagements inattendus, mais qui était porteur de vie. En un mot, être pasteur solidaire de cette dissémination protestante au sein de toute la population clermontaise.
La méthode était conforme au principe. J’imaginais d’adapter le comportement de
l’apôtre
Paul au sein de la société juive et gréco-romaine de son temps, qui avait choisi trois lieux stratégiques pour la rencontre : la synagogue, les maisons et le forum. Adapté à notre situation nous espérions, adossés à la communauté protestante, ouvrir le dialogue avec les divers secteurs et quartiers de la ville à travers de petites cellules familiales, protestantes ou non, et aussi atteindre le plus grand nombre dans tous les lieux disponibles : la rue ou la place du marché, les salles de café, de mariage ou de bal, le théâtre municipal, etc.
1992
tc410400 : 14/07/2019