ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Pierre Curie
Le roman inachevé d’un utopiste
Clermont-l’Hérault (1950 – 1955) :
difficultés et signes d’ouverture
Sommaire
Prologue
Introduction
Clermont-l’Hérault
La nomination
Accueil
Clermont-l’Hérault
À pied
d’œuvre
Les jeunes
Communauté
active
Ouvrir
la communauté
Une porte
s’ouvre
Difficultés
Un pasteur
communiste ?
Point
d’orgue
Parole
d’utopie
Fin
de partie
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
La crise
Épilogue
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
Inutile de dire que ce nouveau logement devait prendre très tôt le relais de l’ancien pour accueillir le jeudi des ateliers du Club ou des rencontres diverses, comme les fêtes de Noël des jeunes et de leurs parents, ce qui confirmait l’urgence de bientôt «
agrandir l’espace de notre tente
», selon la vieille expression biblique.
Toutefois des difficultés majeures ont surgi des engagements pris par le pasteur dans le domaine social de
Clermont et dans le contexte politique mondial.
Dans les quartiers de
l’ancienne ville, aux maisons non seulement vétustes, mais en état de dégradation avancée, menaçant ruine parfois, se trouvait rassemblée la part la plus forte de la population d’ouvriers et de saisonniers agricoles, voire de marginaux, souvent parents de familles nombreuses de cinq à dix enfants.
Une famille du Foyer évangélique se trouvait elle-même dans une situation très critique et ne bénéficiait pas d’une réputation des plus recommandable parmi les
Clermontais : famille de dix enfants, mère débrouillarde et un peu roublarde mais dépassée par sa situation, où tous vivaient dans la hantise d’un père alcoolique et violent, sans travail fixe, entassés dans un logement de trois pièces où les enfants couchaient à deux par lit ; cette petite maison était frappée d’un arrêté d’expulsion à cause des risques d’effondrement.
Devant le danger matériel et moral (un inceste avait eu lieu entre un frère et une sœur) auquel cette famille était exposée quotidiennement, il nous était impossible de fermer les yeux. Aussi, avec notre accord, elle reçut la possibilité d’occuper pendant quelques heures de la journée notre ancien logement désormais inutile, dont nous gardions par contrat la jouissance. Les nouvelles allant bon train dans une bourgade, mademoiselle
Dunant, la propriétaire, nous mit en demeure d’interrompre cette initiative. À notre refus déterminé,
elle répondit par la menace d’un procès,
qu’elle intenta quelques semaines plus tard à la Société d’évangélisation du
Bas-Languedoc. Le risque pour nous était réel, car notre cause était peu défendable juridiquement, même si nous ne pratiquions pas de sous-location avec contrepartie financière.
Les autorités de l’Église, juridiquement responsables, nous firent comprendre que notre action, pour humanitaire qu’elle fut, était des plus imprudentes et risquait, si le procès était perdu, de porter atteinte à la crédibilité de l’Église dans la région.
Le procès eut lieu au Tribunal d’instance de la sous-préfecture de
Lodève. Je ne fus pas convié à y assister et attendis anxieusement l’issue une matinée entière. Sans doute le juge eut-il un préjugé favorable, puisqu’il ne resta pas prisonnier de la loi et nous accorda sa « grâce » : le procès était gagné !
Mettant alors à profit cette décision favorable à un acte d’humanité qui soulignait, cependant, la crise du logement à
Clermont, nous demandâmes par lettre au maire d’envisager désormais une politique de réhabilitation des
vieux quartiers de
Clermont… sans suite de notre temps.
Si les autorités de l’Église se montrèrent soulagées par cette décision, nous n’avons pas bénéficié nous-mêmes d’une totale impunité à leurs yeux, car elles redoutaient d’autres « excentricités… »
1992
tc410900 : 15/07/2019