L’écriture  des  évangiles

Chez Matthieu

   Dans le Jésus de Matthieu, nous retrouvons le même thaumaturge que chez Marc, mais associé à la personnalité propre au prophète de la parole. C’est pourquoi Matthieu ne se contente pas, contrairement à Marc, de se rapporter au recueil des actes de Jésus, mais il incorpore aussi dans son évangile celui des logia.
   Marc n’avait pas tout à fait négligé de puiser dans celui-ci, mais il l’avait fait de façon partielle et dans le seul but de mettre en relief les actes de Jésus. Chez Matthieu, au contraire, le prophète de la parole prend le dessus sur le thaumaturge, tout acte accompli par Jésus étant fonction de sa parole. Ce qui caractérise le messianisme de Jésus est moins la puissance qu’il manifeste par les miracles de guérison et d’exorcisme que celle qui se dégage de l’autorité de sa parole. L’événement messianique n’est pas constitué par l’ensemble des miracles mais par le discours de la montagne, où il accomplit la loi mosaïque et la parole prophétique.

   Tout en se mouvant dans le même contexte de base que celui de l’évangile de Marc, le Jésus de Matthieu s’inscrit dans le cadre d’une personnalité messianique théologiquement plus avancée et plus universelle. Matthieu emprunte l’image du Christ à la christologie propre à la dernière élaboration apostolique, qui voyait dans le Christ l’accomplissement de la parole prophétique de l’Ancien Testament. Tout ce que les prophètes ont dit du Christ, Jésus l’accomplit : il est l’accomplissement de l’image du Christ que les prophètes, de Moïse à Élie, avaient partiellement exprimé par leur personne.
   Mais Jésus n’aurait pas pu être l’accomplissement des Écritures s’il n’avait pas fait partie de leur processus historique et n’en avait pas aussi marqué la fin. C’est ainsi que Matthieu dût avancer le moment de la filiation divine de Jésus du baptême dans le Jourdain à la naissance. Jésus est ainsi inscrit dans la chaîne généalogique des aînés de la promesse dont, étant le dernier, il devient aussi le porteur de sens et l’achèvement. Il est donc Christ dans toute son existence, de sa conception à sa mort, puisqu’il fut conçu par le Saint Esprit. Sa vie ne pouvait être que le résumé accompli de toute l’histoire de la révélation, en même temps que sa personnalité devait assimiler toutes les figures messianique, de Moïse au dernier des prophètes.