Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
- Introduction
- Le conditionnement
- Le code généalogique
- Le complexe du bâtard
- La crise de Jésus
. Le presqu’esclave
. L’eunuque de Dieu
. Humiliation, purification
- Jésus chez le Baptiste
- La rupture
- Résumé
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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L’eunuque de Dieu
Étudions maintenant le psychisme de Jésus à la lumière du complexe du bâtard : dans quelle mesure son psychisme a-t-il été traversé par le refoulement de la relation à la mère et au père ? Ici aussi, il est nécessaire de chercher l’appui de textes si on ne veut pas rester au niveau d’une construction seulement probable du psychisme de Jésus.
Un premier document nous est fourni par Marc : « On lui dit : voici, ta mère et tes frères sont dehors et te demandent. Et il répondit : qui est ma mère et qui sont mes frères ? Puis jetant les regards tout autour de lui : voici, dit-il ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère » (Mc 3:33-35).
Ce passage vient à la suite de Mc 3:21, décrivant la venue auprès de Jésus des « siens » dans le but de le saisir : ces « siens » sont sa mère et ses frères. Ce texte montre la sublimation de la relation à sa mère dans la relation aux gens qui l’entourent et de la relation à son père en Dieu qui s’est opérée en Jésus. Cette sublimation implique un refoulement de ces mêmes relations, mais ce refoulement suppose à son tour une tension plus profonde, de caractère tragique. En effet, la société le prive des droits propres à la personne humaine, du fait qu’il est sans père et sans mère, d’où le surgissement en lui du désir du moi qui, ne pouvant s’accomplir, se lance contre le père et la mère avec des visées de meurtre : Jésus ne peut parvenir à être une personne qu’en tuant sa mère et son père. Mais la mort de la mère suppose aussi celle de la société, la mort du père celle des ancêtres, des pères, et en dernière analyse celle de Dieu, qui est au sommet de la généalogie des pères.
Mais le père et la mère ne sont pas tués pour autant. Ils demeurent au contraire vivants, l’un par le conditionnement généalogique, l’autre par les lois de la société qui, brisant sa révolte, le soumettent à un refoulement par castration. À ce propos, un autre texte se présente : « Il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère, il y en a qui le sont devenus par les hommes, il y en a aussi qui se sont rendus tels par eux-mêmes, à cause du royaume de Dieu » (Mt 19:12). Il s’agit d’une proposition qui me semble refléter plutôt l’état profond du psychisme de Jésus qu’une expérience de vie sociale. Jésus souffrit un traumatisme de castration par suite de sa condition d’homme bâtard, contraint qu’il était à se renier dans cette relation au père et à la mère qui est aux sources psychiques de la virilité. Étant sans père, il ne pouvait pas devenir père, ni susciter une mère. Dévirilisé psychiquement dès le ventre de sa mère, il le fut aussi par la volonté des hommes.
La crise de Jésus découle de cette tension au plus profond de son psychisme. Il s’agit d’une dialectique du désir qui le situe entre l’être et le non-être, et où il se poursuit lui-même comme tueur de ses parents et tué par eux, sans pour autant pouvoir se rejoindre.
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