ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




La genèse du discours de Jésus :

le Dieu de Jésus



Sommaire
Prologue

La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours

Genèse du discours
- Introduction
- La purification
- La crise
- Les références bibliques
- La vision d’Osée
- Le message d’Ézéchiel
- Le Dieu de Jésus
  . Introduction
  . Ézéchiel et Osée
  . Le Dieu de Jésus
- La personnalité de Jésus
- Le discours
- Résumé

Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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L’opposition dialectique entre Ézéchiel
et Osée


   La conception de Dieu d’Osée peut être considérée comme thèse par opposition à celle d’Ézéchiel, bien qu’en réalité elle soit une antithèse par rapport au Dieu du yahvisme.
   C’est qu’Osée veut dépasser le Dieu-maître (Baal), qui ne peut s’unir à son peuple que par l’alliance de justice. Étant donnée l’infidélité du peuple, Dieu serait inéluctablement amené à le condamner, or Osée jette sur ce peuple un regard profond qui lui permet de découvrir, en-deçà du péché, une situation de misère(1). Dieu ne peut pas le condamner, car cette misère fait prévaloir en lui la « miséricorde » (Hesed) sur la justice : Dieu est amour, c’est l’amour qui l’empêche d’être maitre (Baal), pour se situer vis-à-vis de l’homme comme époux. Dès lors, le peuple ne peut s’attacher à lui que comme épouse.

   Mais alors, pourquoi Dieu manifeste-t-il l’intention de la punir ? C’est dans un but pédagogique. La stratégie de cette pédagogie est double, selon la résistance que l’épouse oppose à l’amour.
   Elle a d’abord un caractère ascétique : l’époux entend punir son épouse pour que, privée de toute possibilité de réjouissance, réduite à un « désert », elle puisse se « souvenir » du temps de son premier amour, lorsque dans le désert elle rencontra Dieu pour la première fois. Il s’agit d’une purification par la réminiscence, donc par l’oubli de la réjouissance charnelle.
   Dieu doute cependant que ce dépouillement soit suffisant pour soustraire son épouse à la prostitution. C’est alors que la punition devient radicale : Dieu laisse son épouse si seule qu’elle mourra de soif (Os 2:5) : il tue son épouse.
   Mais cette mort, voulue moins par une volonté de justice que d’amour, se transforme en initiation à la vie. L’amour de l’époux devient créateur : « Je les rachèterai de la puissance des morts : je les délivrerai de la mort »(2) (Os 13:14). Dans la mesure où l’épouse retourne à son non-être d’origine, Dieu aussi revient à la situation de la création : Dieu recrée l’épouse, l’homme. Le prophète met alors dans sa bouche des paroles qui expriment sa joie d’une victoire sur les lois de la nature : « Ô mort, où est ta peste ? Séjour des morts, où est ta destruction ? » (Os 13:14). L’amour triomphe de la loi, le Dieu amoureux du Dieu créateur.

   Le Dieu d’Osée est donc non seulement autre que le Dieu de Moïse, mais aussi que celui de la Genèse. Si, comme Moïse, on interroge ce Dieu pour lui demander quel est son nom, il ne nous dira pas « Je suis celui qui suis » (Ex 3:14), mais « Je suis celui qui aime » : c’est la thèse de l’amour.

   Le message d’Ézéchiel a pour point de départ la constatation que l’épouse n’est pas allée à la rencontre de Dieu dans le désert. Son infidélité et son désir de prostitution sont congénitaux : elle est une prostituée par naissance, puisqu’elle est bâtarde. L’homme, dans son fond, apparaît au prophète plutôt en situation de péché que de malheur. Mais si l’épouse est une prostituée perverse, que reste-t-il de la souveraineté de Dieu ? Dieu en serait-il réduit à demeurer toujours « dans le désert », comme repoussé en lui-même par le péché de l’épouse, semblable à un époux trahi plutôt qu’à un mari seigneur et vengeur ?
   Ézéchiel ne peut pas souscrire à la deuxième hypothèse d’Osée, car elle le conduirait à remettre en cause l’alliance. Ézéchiel ne peut concevoir d’autre Dieu que celui de Moïse. Si, chez Osée, Dieu renonce à être maître, chez Ézéchiel il le redevient, d’une façon plus autoritaire et sans équivoque : la déité l’exige, car s’il continue à n’être qu’un époux amoureux, son nom restera déshonoré. Il reprend donc son épouse, non parce qu’il l’aime mais parce qu’il en est « maître » – autrement dit propriétaire – et qu’elle est un instrument de sa gloire. Puisqu’elle ne se convertit pas par amour, elle le sera par contrainte : Dieu la convertit en la dominant par son pouvoir. Elle sera donc à Dieu en vue d’un service, comme signe de sa gloire, son destin est étroitement lié à celui de son maître, elle est épouse-esclave.
   Sans doute Dieu la purifiera de son infidélité, mais à la fin, quand le temps ne sera plus et par une purification qui passera par une nouvelle création : elle sera convertie quand elle sera autre qu’elle-même. Pour l’heure, elle demeure pécheresse, couvrant ses péchés par des signes de cette purification future : le sacrifice, la loi, le service pour Dieu.

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(1) L’hypothèse que, pour Osée, l’homme est soumis au malheur plutôt qu’au péché, nous permet de rapprocher le prophète des tragiques grecs. Chez Osée, l’épouse prostituée est une malheureuse, comme Antigone, Clytemnestre ou Hélène. Sous cet angle, on peut considérer le message d’Osée comme la parabole d’une intrigue tragique, qui s’accomplit dans l’histoire du peuple plus que dans le texte. En effet, en dépit de l’amour presque fou de l’époux, celui-ci tue l’épouse : Israêl et Juda sont transformés en désert. Ce rapprochement nous permet aussi d’affirmer qu’Osée dépasse Eschyle dans la conception de Dieu, car tandis que le poète grec ne parvient à changer Zeus que par le subterfuge d’un secret que Prométhée détient sur lui – donc par l’effet d’une ruse –, Osée y parvient par une profonde conversion de Dieu, qui revient à ses premières amours de fiancé (Os 2:17).   Retour au texte

   (2) Paul y voit un oracle messianique concernant la résurrection du Christ (1 Co 15:55).   Retour au texte




1984




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